jeudi 30 juin 2016

16 - Barcelona

Auteur : Daniel Sanchez Pardos
Éditeur : Presses de la Cité

Barcelone, 1874. Gabriel Camarasa est le fils du dirigeant des Nouvelles illustrées, un journal à scandale récemment créé par son père au retour de leur exil à Londres. Lorsqu'Antoni Gaudì, jeune étudiant en architecture, sauve la vie de Gabriel devant l'incendie du principal concurrent des Nouvelles illustrées, aucun de ces deux personnages ne peut encore se douter qu'ils vont développer une amitié sincère au cœur de cette Barcelone troublée entre la République déclinante et le potentiel retour de la Monarchie...

J'ai eu la chance de recevoir Barcelona dans le cadre d'un Masse Critique, et je remercie chaudement les Presses de la Cité et Babelio pour cette belle découverte. Ce qui m'a tout d'abord attirée vers ce roman, c'est son contexte, l'Espagne de la fin du XIXe siècle, ses troubles politiques, mais également et surtout la présence de l'illustre Antoni Gaudì, que j'avais étudié en cours d'histoire de l'art. Bien évidemment j'en connais trop peu à la fois sur l'histoire de l'Espagne et sur la vie de l'architecte pour démêler le vrai du faux dans cette histoire, donc je préfère tout prendre comme une fiction historique, c'est plus sûr. 

Barcelona est un roman qui a su me séduire, me transporter dans une Barcelone d'un autre temps. J'ai aimé ce paradoxe entre les intrigues politiques des grandes familles riches d'un côté, et les bas fonds de la misère espagnole d'un autre. Tous tellement différents, mais qui se retrouvent au final tout aussi importants les uns que les autres dans l'intrigue. Et surtout, j'ai aimé le personnage d'Antoni Gaudì, plein de mystères, de suffisance, mais pourtant sympathique, qui n'hésite pas à nous entraîner dans ses activités spirites, ses expériences et ses discussions enflammées sur l'architecture, la politique, la vie... Et bien sûr ses déductions dignes d'un Sherlock Holmes qui aideront grandement Gabriel à démêler le vrai du faux dans cette intrigue politique et policière de grande ampleur.

J'ai donc beaucoup aimé ce roman, que j'ai trouvé très agréable à lire malgré les sujets abordés, et très dépaysant. 

À découvrir !



Comme j'eus l'occasion de le découvrir aux premiers jours de notre relation, Gaudì était un homme aux habitudes régulières qui menait une vie profondément irrégulière, ou pour être plus précis, peut-être, un homme à l'esprit profondément irrégulier dont les journées s'organisaient autour d'une série d'habitudes aussi régulières que celles d'un employé de banque.

- Les amours impossibles n'existent que dans les romans, répondis-je. Dans la vie réelle, il y a tout au plus des amours improbables… 

- Je ne vous croyais pas au fait de ce genre de choses, Gaudi, mon ami, dis-je. Je ne vous imagine pas en train de lire la rubrique mondaine des journaux...
- Les personnes qui figurent dans cette section, Camarasa, mon ami, sont celles qui brassent l'argent qui nous donnera un jour à manger. Il nous faut connaître leurs noms, même si leurs faits et gestes nous ennuient souverainement.


mardi 7 juin 2016

15 - Les Maraudeurs

Auteur : Tom Cooper
Éditeur : Albin Michel

Décidément mes lectures me font beaucoup voyager en ce moment... Après le bush australien, me voici au cœur du bayou, en Louisiane, avec ce roman de Tom Cooper, Les Maraudeurs.

Jeannette est une petite ville de Louisiane qui vit de la pêche à la crevette. Mais après la double tragédie de l'ouragan Katrina et de la marée noire, ses habitants luttent quotidiennement pour survivre au cœur de ces marais appauvris et pollués...

Dans Les Maraudeurs, nous suivons le destin de plusieurs d'entre eux, entre le père et le fils Trench qui essaient de survivre à la disparition de la mère lors de l'ouragan et à des crevettes qui ne les nourrissent plus, Lindquist, un pêcheur manchot dévasté par son addiction aux médicaments et persuadé qu'il trouvera le fameux trésor du célèbre pirate Laffitte au fond du bayou, les frères Toup, qui se sont attribué une île perdue dans le marais pour leur trafic de marijuana, ou encore Grimes, natif de Jeannette mais qui a la ville et ses habitants en horreur, obligé d'y revenir pour le compte de la société pétrolière qui cherche à embobiner les habitants en achetant leur silence sur la catastrophe dont ils sont à l'origine...

Dès les premières pages l'ambiance particulière de la Louisiane est bien présente, et on se laisse bercer par le destin de ces personnages. Mais ce roman est loin de n'être qu'un portrait de la dureté de la vie dans le bayou... Tom Cooper y dénonce aussi bien l'incompétence des autorités suite aux dégâts de Katrina et leur corruption quotidienne, que la main-mise des sociétés pétrolières sur l'image que le monde extérieur peut avoir sur la marée noire, tellement éloignée de la réalité de ceux qui vivent au cœur de ce drame écologique, et bien loin des considérations humaines.

Au final, Les Maroudeurs est un roman qui se lit très bien, avec des personnages attachants, mais qui soulève de nombreuses vérités cachées sous un humour noir et un cynisme permanents.


Ils se remirent au travail. Au bout d'un moment, Hanson retourna la question à Cosgrove et lui demanda comment il avait atterri là.
"Ivresse sur la voie publique", dit Cosgrove.
Hanson secoua la tête et renifla, l'air incrédule. "À la Nouvelle-Orléans ? dit-il. C'est comme si les flics allaient au cimetière coffrer les gens parce qu'ils son morts." 


Ils ne dirent plus rien pendant un moment. Lindquist rejeta à l'eau un poisson-tambour, Wes une petite sébaste criblée de lésions grosses comme des petits piments.
"Tu sens ça ?" demanda Lindquist.
Wes hocha la tête d'un air dégoûté.
"Tu crois qu'il y a du poison là-dedans ?
- À la télé ils disent qu'il n'y a rien. L'Agence de protection de je ne sais plus quoi.
- Protection de l'environnement ?
- Voilà, c'est ça.
- Et tu les crois ?
- J'en sais rien.
- Moi, j'ai vu des crevettes qui n'avaient pas d'yeux, dit Lindquist.
- Moi, un jour, j'ai vu une sébaste qui en avait trois.
- Et moi une sirène avec trois nibards."
Ils pouffèrent de rire.