jeudi 31 octobre 2013

51 - Servir froid

Auteur : Joe Abercrombie
Éditeur : Bragelonne
Publié en : 2013

Avec un titre comme Servir froid, on s'attend bien évidemment à une histoire de vengeance. Joe Abercrombie ne nous déçoit pas avec cette intrigue sordide, violente et pleine de rebondissements. 

Monza est général d'une armée de mercenaires, qu'elle met au service du Duc Orso avec pour objectif de le placer sur le trône de Styrie, un pays incessamment en guerre qui ne connait que la loi du plus fort. Mais les victoires de Monza et de son frère, Benna, poussent le Duc Orso à les faire assassiner. Il ne faudrait pas que la Bouchère de Caprile, comme on la surnomme, n'en vienne à prendre sa place... Benna meurt, mais pas sa sœur, qui est sauvée in extremis et qui entreprend sa vengeance contre les sept personnes qui ont perpétré le meurtre de son frère bien aimé. Elle saura s'entourer de personnages tous plus différents et dangereux les uns que les autres, et de fil en aiguille, d'alliances en trahisons, de complots en massacres, elle va mener sa quête de vengeance à travers toute la Styrie.

Sans être un chef-d'oeuvre de la littérature, ce roman est distrayant, pas prise de tête, et j'ai passé un très bon moment de lecture en compagnie de Monza et de ses acolytes. Le rythme est bien soutenu, l'action omniprésente, et le final est des plus surprenants (en tous cas, je ne l'avais pas vu venir). Une suite est en cours parait-il, que je lirai très certainement.


"Passé un certain seuil de douleur, tout le monde devient lâche." 

"- J'essaie juste de me débrouiller pour que l'avenir s'annonce un peu mieux que le présent. Je suis un de ces..., vous avez un mot pour ça, non ?
- Imbéciles ?"

"Quand la vie vous emprisonne, rien n'est plus libérateur que la captivité."

mardi 22 octobre 2013

50 - La tour de Babylone

Auteur : Ted Chiang
Éditeur : Denoël
Publié en : 2006

La tour de Babylone est un recueil de nouvelles de science-fiction, dans lesquelles le mot science prend vraiment toute sa signification. Maitrisant parfaitement ses sujets, Ted Chiang pousse à l'extrême les mathématiques, la biologie, la génétique, l'informatique, la linguistique, et bien d'autres domaines encore, comme la religion, dans des scénarios plus étonnants les uns que les autres, pour le plus grand plaisir du lecteur (du mien en tous cas !).

La tour de Babylone, c'est également le titre de la première de ces nouvelles, l'une de mes préférées. Une belle entrée en matière avec l'histoire de ce mineur qui passe des années à monter en haut d'une tour d'une hauteur inimaginable, afin de creuser la voûte du ciel et permettre ainsi d'élever la tour jusqu'à leur Dieu, nommé Jéhovah. Un vrai coup de cœur. Mais toutes ces nouvelles ont leur propre personnalité, leur propre charme, et j'ai été complètement absorbée par leur lecture. Le plus effrayant étant que la science évolue de telle manière de nos jours, qu'on peut sans peine imaginer que tout ceci ne sera plus de la fiction dans un avenir plus ou moins proche... Et c'est effrayant !

Alors certes on souhaiterait que l'auteur soit plus prolixe et nous écrive un peu plus que 8 nouvelles en 11 ans, mais on lui pardonne très facilement ce léger défaut quand on voit à quel point ces nouvelles sont abouties, étonnantes et passionnantes, voire visionnaires. Merci Ted Chiang !


"Peut-être les hommes n'étaient-ils pas censés vivre en un tel lieu. Si leur nature les empêchait d'approcher les cieux de trop près, alors ils devaient rester sur terre."

"Quand tu apprendras à marcher, je redécouvrirai tous les jours l'asymétrie de notre relation. Tu passeras ton temps à courir partout et, chaque fois que tu te cogneras contre un montant de porte ou que tu te couronneras le genou, il me semblera éprouver ta souffrance, posséder un nouveau membre, une extension mobile de moi-même dont les nerfs sensoriels me transmettront les signaux de douleur, mais dont les nerfs moteurs ne répondront pas à mes impulsions. Cela me paraîtra injuste : j'aurai engendré une poupée vaudou animée à mon image. "   

"Si les scientifiques découvrent un jour un moyen d'inhiber la connerie humaine, je voterai pour. "

 

mardi 15 octobre 2013

49 - Une rançon

Auteur : David Malouf
Éditeur : Albin Michel
Publié en : 2013


Souvenez-vous de L'Illiade d'Homère et imaginez-vous au cœur de la guerre de Troie. Imaginez Achille, encore dévasté par la mort de son ami Patrocle, venant tout juste de tuer Hector. Imaginez Priam, roi de Troie, réclamant au héros le corps de son fils. On pourrait à juste titre penser à une histoire pleine d'aventures et de rebondissements, de sang et d'action. Et bien il n'en est rien. Car ici, dans cette version que nous offre David Malouf, nous plongeons au cœur des sentiments humains de ces protagonistes que nous ne connaissons que pour leurs exploits guerriers.

Je dois dire que ce roman est assez intrigant. Dès les premières lignes, une telle poésie enveloppe chaque mot, chaque phrase, qu'on se demande un peu de quelle histoire il s'agit... Quel est l'intérêt d'une nouvelle version de cet épisode de la guerre de Troie ? Mais la beauté de l'écriture envoûte rapidement le lecteur, et on se prend à revivre cette épopée bien différemment... Achille et Priam, deux hommes qui ont aimé et perdu un être cher, deux hommes que tout oppose mais qui vivent leur douleur chacun à leur manière. Deux hommes qui, ici, sont plus que jamais humains. C'est ce que nous raconte David Malouf dans Une rançon, avec une prose envoûtante et une poésie de chaque instant.

Un livre qui, au premier abord, peut paraître bien ennuyeux, mais qui se révèle être un véritable petit bijou de littérature.


"Il attend la déchirure. Que quelque chose survienne qui rompra le sortilège qui le lie, la fureur dévorante qui l'anime et ruine de désespoir son esprit. Quelque chose de neuf et d'inimaginable encore, dont la rencontre viendra le confronter à la nécessité de s'arracher à l'étouffante toile grise qui l'enserre."

"C'est ma chair que l'on traîne dans la poussière là-bas. Par sept fois déjà j'ai pleuré un fils dans cette guerre. Et de chacun, ce que je me rappelle, ce sont les petits coups de pied qu'ils me donnaient sous le cœur – ici, juste ici –, et le premier cri qu'ils ont poussé quand je les ai mis au monde, et leurs premiers pas."

"Il ne lui était jamais venu à l'esprit que la nourriture qui arrivait si promptement sur sa table, et en telle abondance, pût renfermer des ingrédients. Qu'une crêpe, ou galette, pût se présenter sous la forme antérieure d'une pâte. Que cette pâte pût consister en un mélange de bonne farine de sarrasin et de babeurre, et que cette bonne sensation qu'on en retirait pût dépendre de l'épaisseur de la pâte ou de la légèreté du poignet."

 

lundi 14 octobre 2013

48 - Le don du loup

Auteur : Anne Rice
Éditeur : Michel Lafon
Publié en : 2013


Anne Rice est un auteur que j'affectionne tout particulièrement, étant tombée très jeune sous le charme de ses sorcières dans un premier temps, puis de ses célèbres vampires. Autant dire que son dernier livre me faisait saliver ! Lorsque le dernier Masse Critique m'a tirée au sort pour cet ouvrage, inutile de préciser que j'ai sauté dans tous les sens en criant comme une folle... (oui, c'était très drôle à voir).

Loin de ses sujets de prédilection, Anne Rice nous raconte ici l'histoire de Reuben, un jeune journaliste issu d'une famille riche. Lors d'un reportage dans un grand manoir qui doit être vendu, Reuben assiste au meurtre de la propriétaire, est lui-même mortellement blessé mais s'en sort grâce à l'intervention d'une bête inconnue. Après sa guérison miraculeuse, Reuben découvre qu'il a reçu de cette bête un Don particulier, qui lui permet de se transformer en Homme-Loup.

Après une mise en place un peu longue, mais qui introduit bien le cadre et l'ambiance générale de l'histoire, on est très vite pris dans la tourmente de ces événements qui vont marquer la vie de Reuben depuis sa "contamination". Loin des classiques loups-garous, qui se prennent pour des monstres, tuent sans s'en rendre compte et vivent continuellement dans une lutte sans fin contre leur nature, Reuben l'accepte très facilement et, au contraire, décide d'en faire quelque chose de bien. Car ce Don lui permet, entre autres, de déceler le mal chez les gens. Une perspective assez originale je trouve, pour une histoire d'Homme-Loup qui s'annonçait somme toute très banale. Et, comme toujours dans les romans d'Anne Rice, l'écriture, les décors, les descriptions, la psychologie des personnages sont suffisamment travaillés pour faire de ce livre un peu plus qu'un agréable moment de lecture, nous faisant sans peine oublier quelques longueurs et répétitions par-ci par-là.

Un grand merci, encore une fois, à Babelio, qui organise ces opérations Masse Critique, et bien évidemment un grand merci à Michel Lafon.


"Mordant profondément dans l'épaule de l'homme, il arracha d'un même élan le vêtement et la chair ; celle-ci avait un goût généreux, irrésistible, auquel se mêlait la pestilence du mal, du vice, de l'avilissement extrême."

"J'ai fait ce qu'il m'a semblé naturel de faire... J'ai entendu les voix ; les voix m'appelaient ; j'ai flairé l'odeur du mal et je l'ai suivie. Ce que j'ai fait, je l'ai fait aussi naturellement que je respire." 

"Il fallait vire sur cette côte austère et froide pour mesurer le véritable prodige qu'était une belle journée, lorsque les brumes marines avaient déguerpi comme si leur règne glacial avait pris fin. "


Que vous aimiez Sylvain Tesson. ou Serge Joncour, Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski ou Into the wild, Babelio vous invite toute l’année à découvrir des avis sur des livres ou des extraits d'oeuvres en allant sur Babelio.com.

 

vendredi 4 octobre 2013

47 - Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Auteur : Mathias Enard
Éditeur : Actes Sud
Publié en : 2010

Ce n'est jamais très risqué de se lancer dans un Goncourt des Lycéens, et je prends de plus en plus de plaisir à découvrir les différents ouvrages qui ont obtenu ce prix. En 2010, Mathias Enard était ainsi récompensé avec ce titre, Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, qui trône depuis un moment déjà dans ma bibliothèque et que je n'avais encore pas eu l'occasion de lire. CaroLire me donne l'excuse parfaite pour enfin me lancer dans cette histoire.

On peut dire que cet ouvrage est un condensé d'originalité. L'histoire, pour commencer, relate une période de la vie du célèbre Michel-Ange, quelques années avant qu'il ne peigne ses chefs-d’œuvre de la chapelle Sixtine. Se sentant abandonné par le pape Jules II dont il doit réaliser le tombeau, Michel-Ange accepte de se rendre auprès du sultan Bajazet, à Istanbul, afin de construire un pont sur la Corne d'Or. Entre le travail même de l'artiste, débordant de génie et de passion, et sa découverte de ce pays si exotique et différent du sien, les chapitres vont nous plonger dans un doux rêve oriental dont on ne se réveillera qu'à la fin du livre. Car l'originalité de ce roman réside également dans sa construction en très courts chapitres, et dans la poésie qui s'en dégage crescendo jusqu'au point final.

Je n'ai aucune réserve concernant cet ouvrage, car même si on est dérouté par les premières minutes de lecture, l'envoûtement arrive suffisamment tôt pour nous happer et nous laisser avec un sentiment de douce mélancolie au moment de replacer ce chef-d’œuvre dans la bibliothèque... Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants est un véritable conte enchanteur, à lire, à découvrir, à savourer.


"Les rois sont des sauvages qui tuent leurs chevaux sous eux ; il y a bien longtemps qu'ils n'offrent plus d'éléphants à leurs princesses."

"Je sais que les hommes sont des enfants qui chassent leur désespoir par la colère, leur peur dans l'amour ; au vide, ils répondent en construisant des châteaux et des temples."


"Combien faudra-t-il d’œuvres d'art pour mettre la beauté dans le monde ?" 



 
 

jeudi 3 octobre 2013

46 - L'âme du Mal

Auteur : Maxime Chattam
Éditeur : Pocket
Publié en : 2003

Je ne connaissais de Maxime Chattam que sa série fantastique Autre-Monde. Déjà la plume de l'auteur m'avait séduite. Mais c'est dans un genre tout à fait différent que je le retrouve ici, dans L'âme du mal, l'un des romans qui a fait de cet auteur l'un des maîtres du thriller français.

L'intrigue se déroule à Portland, dans l'Oregon. Nous avons un tueur en série, particulièrement violent et sanglant, des victimes torturées et mutilées, et le jeune inspecteur Joshua Brolin, chargé de l'enquête. Le schéma habituel donc, pour un thriller. Mais l'intrigue est très bien pensée, les investigations passionnantes, avec juste ce qu'il faut d'indices, de rebondissements et de révélations pour maintenir le lecteur en haleine jusqu'à la fin. Les pages se tournent toutes seules, et on plonge sans s'en rendre compte dans l'horreur de cette enquête. 

J'ai particulièrement aimé la profondeur psychologique des personnages, ils existent vraiment et chacun apporte sa contribution à l'histoire. L'inspecteur Brolin, bien sûr, est mon préféré, et je me réjouis déjà de le retrouver dans la suite de cette trilogie sur le Mal. Son expérience de profileur est un vrai plus pour la résolution de l'intrigue, et ses déductions sont passionnantes à découvrir (parfois même bluffantes). L'écriture est détaillée, très précise et réaliste, même dans l'horreur du crime (je pense à la description de l'autopsie par exemple). On voit bien que l'auteur sait de quoi il parle, et qu'il maitrise son sujet à la perfection, plongeant son lecteur dans une atmosphère angoissante et passionnante. Quant au final... Parfait pour nous mettre l'eau à la bouche et nous donner envie de se plonger directement dans le 2e tome !

Un thriller passionnant et haletant, donc, et je compte bien persévérer dans l’œuvre de Maxime Chattam, qui est un auteur que j'affectionne particulièrement.


"Imaginons qu'il était battu par son père, violé et tout le toutim, et ensuite ? Pourquoi on lui a fait ça ? Son père aussi a été violé et battu ? Ça n'a donc jamais de fin, c'est une spirale de haine et de violence qui n'a pas de début ni d'achèvement ? La genèse de ces monstres, le tout début, il provient d'où ? Ce mal qui a un jour frappé un homme, il s'est fait comment ?"

"Personne n'est à l'abri, cela peut arriver à n'importe qui, on sort du boulot, et sans même savoir que l'on a croisé la route d'un malade, on plonge dans l'horreur."

"Nous ne dormons pas seulement pour nous reposer. Mais également pour mieux vivre, pour guérir nos malheurs. Finalement, le sommeil adoucit les peines, il fait perdre leur consistance aux maux et transforme une réalité en souvenir."