mercredi 23 janvier 2013

05 - Silence

Auteur / illustrateur : Didier Comès
Éditeur : Castermann
Publié en : 2005

Silence est un jeune homme muet et simple d'esprit. Il est fort, mais possède la mentalité d'un enfant. Profondément gentil, il ne connait ni la malice, ni la méchanceté. Habitant dans le village de Beausonge, Silence travaille pour un fermier méchant et avare, Abel Mauvy. Mais Abel et les autres habitants du village profitent de sa force, de sa gentillesse et de sa naïveté. Le village possède un sombre secret et les villageois craignent que sous l'apparente naïveté du pauvre Silence se cache un être doté de pouvoirs maléfiques, comme cette sorcière qui vit au fond des bois et dont le jeune homme va bientôt faire la connaissance...

Après une belle préface d'Henri Gougaud encensant à la fois l'auteur et son œuvre, me voici donc plongée dans cette histoire aux graphismes particuliers. Seuls le noir et le blanc sont utilisés, le coup de crayon est grossier mais pertinent et donne vie aux dialogues de cette histoire, créant une ambiance malsaine tout à fait appropriée. Car on est très rapidement aspirés dans la vie de Silence, qui est tellement innocent qu'il ne se rend pas compte du mal que les autres lui font. Au fur et à mesure, l'histoire prend de l'ampleur et, tout en conservant cette douce poésie qu'on ressent dès les premières bulles, l'intrigue se révèle noire et pleine de révélations plus sombres et malsaines les unes que les autres. Mêlée de fantastique, de magie, de croyances populaires, l'histoire de Silence ne peut pas laisser le lecteur de marbre face à la cruauté du genre humain. En tous cas, moi, j'ai adoré. Je recommande cet album, pour sa poésie, et pour sa beauté aussi bien narrative que graphique.

Merci à Ellane pour ce magnifique cadeau !


mardi 22 janvier 2013

04 - L'Agent des Ombres T1 - L'Ange du Chaos

Auteur : Michel Robert
Éditeur : Mnémos
Publié en : 2004

Cela fait déjà un moment que j'entends parler de Michel Robert, et je m'étais jurée de lire quelques uns de ses livres un jour. C'est donc avec grand plaisir que j'ai relevé le défi-anniversaire de Boutentrain, avec ce premier tome de L'Agent des Ombres, intitulé L'Ange du Chaos.

Dès les premières pages, ce monde sombre et cruel créé par Michel Robert m'a plu. Et le fait que le héros appartiennent au Chaos m'a encore plus séduite. Pour une fois on laisse de côté les gentils héros qui se découvrent de grands pouvoirs et se flagellent pendant 300 pages parce qu'ils ont dû tuer un méchant qui en voulait à leur vie. Non, ici, dans L'Ange du Chaos, c'est bien différent. La violence, le sang, la drogue, le sexe, la manipulation, la trahison, les intrigues... Tous les vices semblent présents, acceptés et savourés de tous. Et tous les moyens sont bons pour que Cellendhyll de Cortavar, un agent des Ombres, parvienne à assouvir sa vengeance. Mais cela n'empêche pas notre redoutable héros de montrer de la bonté, de la générosité, voire de la pitié envers les innocents qu'il croise en chemin... Cette histoire sombre et sans concession laisse cependant la part belle au merveilleux et à la magie, et Cellendhyll, dans sa quête de vengeance, va peu à peu redécouvrir l'amitié et la confiance au fil de ses rencontres, sans jamais perdre de vue son objectif.

Ce monde complexe regroupant plusieurs factions (la Lumière, les Ténèbres et le Chaos) qui se font la guerre m'a tout de suite fait penser à mon jeu préféré du moment, Heroes of Might & Magic, même si l'histoire n'a rien à voir. Je me suis sentie en terrain connu, et c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai suivi les dangereuses péripéties de ce héros tourmenté, plein de rancœur et de colère envers ceux qui l'ont trahi. Le récit est très vivant, rythmé, l'histoire haletante et pleine d'action... Quant au héros, le mystère qui l'entoure suffit à lui donner une aura digne d'un Ange du Chaos. Certes l'originalité n'est pas toujours de mise et les rebondissements sont souvent attendus, mais ça n'enlève en rien le plaisir de la découverte de ce premier tome de L'Agent des Ombres.

Merci à Boutentrain pour ce défi, je note de lire la suite très bientôt, et je le recommande à mon tour à tous les amateurs du genre !


 
"Il ne portait aucun vêtement à l'exception d'un pagne taillé dans de la peau humaine, et exhibait en guise d'ornement un épais collier composé de doigts tranchés qu'il arrachait de temps à autre et mâchonnait lentement telles de douces friandises."

"S'ouvrir à une nouvelle amitié était une sensation étrange pour Cellendhyll. Il avait l'impression de devoir forcer au fond de lui-même une porte poussiéreuse, grinçante et fragile."



 

samedi 19 janvier 2013

03 - Je vous apprendrai la peur

Auteur : Nikolaj Frobenius
Éditeur : Actes Sud (collection Lettres scandinaves)
Publié en : 2011

Nous sommes aujourd'hui le 19 janvier, jour anniversaire du célèbre écrivain Edgar Allan Poe, et c'est par le plus grand des hasards que je referme aujourd'hui ce roman de Nikolaj Frobenius qui nous relate la vie de l'auteur, de manière romancée.

Rufus Griswold est un célèbre anthologiste et critique littéraire, entre autres connu pour son hostilité envers l’œuvre d'Edgar Allan Poe, son contemporain. Nikolaj Frobenius part de ce fait réel pour nous livrer ici une histoire où les vies de ces deux hommes sont entremêlées. Le premier est un fervent croyant persuadé d'être investi d'une mission divine, s'acharnant ainsi sur un Edgar Allan Poe impie, qui laisse transparaître dans son œuvre sa fascination pour la mort, le morbide, la souffrance. C'est ainsi que va naître un mélange de haine et de fascination entre les deux hommes, qui va être le fil conducteur de ce roman, entrecoupé de différents événements de la vie de Poe. Mais un 3e personnage viendra pimenter un peu cette histoire, Samuel Raynolds, un jeune esclave albinos qu'Edgar va prendre sous son aile, et qui va le vénérer au point de considérer les écrits de son "maître" comme des prophéties qui doivent absolument se réaliser...

Nikolaj Frobenius nous décrit ici le portrait d'un génie torturé, incompris, qui attend vainement une reconnaissance qu'il n'aura réellement que bien tardivement. Orphelin très tôt, Edgar Allan Poe grandit dans une famille d'accueil aisée dans laquelle il se sent prisonnier des bonnes manières de la société qu'on lui impose et qu'il fuira afin de pouvoir laisser son imagination et son talent s'épanouir. De désillusion en désillusion, il parcourt les villes à la recherche de la reconnaissance de ses pairs, mais vivra toute sa vie dans la misère et la faim. Je connais très peu sa véritable vie, et je n'ai lu que ses Histoires extraordinaires, je ne suis donc pas à même de démêler le vrai du romancé dans cette biographie. Mais cela ne m'a pas empêché de bien cerner le personnage, et de finir par éprouver pour cet être plein de rage, de colère, de noirceur, une fascination bien réelle. 

L'écriture de Nikolaj Frobenius fait très bien ressortir cette ambiance sombre, baroque, pesante, qui a semblé planer sur la vie d'Edgar Allan Poe comme sur ses histoires. Mon seul regret est de ne pas avoir eu le temps de lire quelques uns de ses poèmes avant de me lancer dans ce roman si passionnant.

Merci à Gaenaria de m'avoir prêté ce livre envoûtant.



"La peur est constamment tapie en nous, pensera-t-il quelques années plus tard. Le jour, nous cherchons à nous la dissimuler, mais la nuit, nos pensées prennent le dessus. Tout ce que nous faisons est gouverné par la peur ou par le désir que nous avons de nous y soustraire."

"La foule le choque. Il l'aime. Il la hait et la craint pour ce qu'elle peut lui faire. Il la condamne et l'envie."

"Une passion si déchirante pour la mort qu'il n'a pas su aimer quelqu'un d'autre."

vendredi 11 janvier 2013

02 - Battle Royale

Auteur : Koushun Takami
Éditeur : Calmann-Lévy
Publié en : 2006

La folie Hunger Games de l'année dernière, qui a suivi la sortie du film, a poussé nombre de lecteurs (dont moi) à lire les livres de Suzanne Collins. Nombreux sont ceux qui les ont comparés au grand classique japonais du genre, Battle Royale. Il était donc impossible que je ne le lise pas. Faire un comparatif des deux oeuvres n'est pas le sujet ici, et je ne m'y étendrai pas, mais il est tout de même impossible de lire celui-ci sans penser à Hunger Games, qui m'avait tant marquée l'année dernière...

L'intrigue de Battle Royale prend place dans un Japon un peu particulier, centre de la République de la Grande Asie, sous un régime national-socialiste dirigé par un Reichsführer. On comprend déjà que ce régime a beaucoup en commun avec le nazisme, et le traducteur lui-même le mentionne en note de bas de page. Dans le but d'effectuer des recherches statistiques pour les forces d'intervention rapides du pays, le Programme a été créé. Chaque année, 50 classes de 3e sont sélectionnées, envoyées chacune dans un coin prédéfini et secret, avec un seul but : s'entre-tuer. Le Programme est connu de tous, les informations télévisées donnant les dernières statistiques de la "saison", par exemple le nombre de tués par armes à feu ou par arme blanche... Tout le monde est donc au courant, mais toute révolte étant impossible sous peine de mort sans préavis, chacun vit dans la résignation. Les enfant en apprennent l'existence à l'école, mais n'osent pas ou ne veulent pas croire que ça peut leur arriver un jour. Jusqu'au jour où...

Nous suivons ici Shûya, élève de 3e qui prend place dans un bus avec sa classe, pour le voyage de fin d'année. Mais cette année, ils ont été sélectionnés pour le Programme. Les élèves sont endormis par un gaz soporifique puis emmenés sur une île, qui sera leur "terrain de jeu". 42 élèves, 21 garçons et 21 filles, vont tout faire pour survivre face à ceux qu'ils considéraient comme leurs amis... En qui Shûya peut-il avoir confiance ? Connait-il réellement ces personnes qu'il côtoie depuis des années ? Comment chacun réagira-t-il face à la peur ? A la folie ?

Ce livre est horrible. Le thème est horrible. Les scènes décrites sont horribles. Le dégoût est présent du début à la fin et j'ai finalement pris le parti de me détacher de ce que je lisais pour m'en amuser, car comment faire autrement ? J'ai presque honte d'avoir tant aimé ce livre... Mais le fait est qu'il est génial, haletant, plein d'action, de suspense, d'émotions... et extrêmement bien écrit et rythmé juste comme il faut. Un ouvrage réellement addictif, qu'on ne peut pas refermer une fois ouvert. L'horreur qu'on éprouve est vite éclipsée par l'aventure passionnante de ces quelques ados un peu plus doués et débrouillards que les autres, qui cherchent par tous les moyens à se sauver eux-mêmes, à sauver leurs amis, à détruire ce qui fait ce Programme, et surtout, à garder, jusqu'à la fin, leur intégrité.

Aux amateurs du genre, je le conseille fortement. Aux âmes sensibles, pour votre bien, passez votre chemin.


"Il se tut, avant de lancer :
- Aujourd'hui, mes petits amis, vous allez vous amuser à vous entre-tuer !"


"Takako prit conscience du sourire sadique que formaient ses lèvres crispées. Non, elle n'était plus sous l'emprise de la colère à présent. Au contraire ! Oui... maintenant, elle prenait du plaisir à la situation ! Et alors ? Où était le problème ? Elle n'était ni le pape ni le XIVe dalaï-lama. Où est le problème ?" 


"Argh ! Cette espèce de vulgaire connard m'a bousillé le doigt ! Un doigt de ma main droite, celle qui manipule avec tant d'agilité l'archet du violon ! Non c'est pas vrai, j'y crois pas ! Pourtant dans les films, quand le pistolet saute, il saute tout seul, jamais en emportant un doigt !"


  

jeudi 3 janvier 2013

01 - Notre Dame aux Ecailles

Auteur : Mélanie Fazi
Éditeur : Bragelonne
Publié en : 2008

Mon premier roman de l'année, Notre Dame aux Écailles est un recueil de nouvelles qui m'a en premier lieu attirée par une citation de Jean-Claude Dunyach (L'Express), sur la 4e de couverture : "Il y a chez Fazi une petite musique poignante, extrêmement lucide, et surtout un art de la fêlure qui transcende la moindre de ses histoires". Rajoutez à ça un auteur reconnu, acclamé et aux multiples prix (Merlin en 2002 et 2004, Masterton en 2005, Grand prix de l'imaginaire en 2005 et en 2007), et il ne m'en a pas fallu plus pour me plonger dans ce livre, sans même savoir à quoi m'attendre.

Le problème avec les recueils de nouvelles, c'est qu'on n'aime jamais tout. Certaines nouvelles nous emportent et nous ravissent, d'autres nous laissent de marbre. Mais pas ici, avec ces courtes histoires de Mélanie Fazi, qui ne peuvent chacune qu'éveiller notre curiosité et notre intérêt. Je pense en particulier à cette histoire d'une femme qui a pris le Fleuve pour amant, celle de cette petite fille qui dessine ce qu'elle voit dans la musique, ou encore celle de cette maison qui se nourrit de la substance de ses habitants pour évoluer... Dans chaque nouvelle, l'auteur se plait à personnifier, que ce soit une ville, une maison, une musique, un dessin, une émotion... Tout prend vie sous sa plume et tous nos sens sont touchés et titillés par son écriture vraiment magnifique et poétique. Elle nous transporte sans effort dans chaque moment de ces intrigues fantastiques, et nous laisse avec l'impatience de commencer la suivante.

Une très belle découverte que cette Notre Dame aux Écailles, qui me donne envie de découvrir plus profondément l’œuvre de Mélanie Fazi.


"La musique adoptait les contours d'un dragon, et jusqu'à sa couleur. Elle ignorait que des sons puissent se traduire par des couleurs, mais si cette chanson en possédait une, c'était forcément le rouge sang des écailles."

"Couleurs de crépuscule : un bleu irréel là où commence la nuit, une rose d'aquarelle qui déteint sur le crépi. Quelques nuances d'un jaune bâtard entre les deux. Premières étoiles et le disque pâle de la lune qui s'esquisse doucement."

"Quelle leçon tirer d'une épreuve qui glisse sur vous pour vous laisser seulement un peu plus vide ?"