mardi 31 décembre 2013

Bienvenue en 2014 !

2013 est terminée, place à l'année 2014 ! Mais avant, une petite rétrospective s'impose... Car en 2013 j'ai été prise d'une boulimie littéraire et j'ai ainsi pu découvrir pas moins de 64 livres !

Certains m'ont beaucoup marquée, d'autres moins, il y en a heureusement très peu que je n'ai pas du tout aimés. Comme l'année dernière, je vais classer mes préférés en deux catégories : les gros coups de cœur, que je relirai très certainement au moins une fois dans ma vie, qui m'ont transportée, émue, amusée, étonnée, jusqu'à la dernière page ; les belles découvertes, qui ont été des lectures inattendues et bienvenues, mais que je ne relirai pas forcément.


Gros coups de cœur 

1) Les Enchantements d'Ambremer, de Pierre Pevel, qui m'a totalement transportée dans ce Paris magique et merveilleux, plein d'intrigues et d'aventures en tous genres.
2) Leïlan, la trilogie de Magalie Ségura, des mondes, des personnages, une intrigue qui m'ont passionnée et bouleversée.
3) Les Trois mousquetaires, d'Alexandre Dumas, un grand classique que j'ai découvert, adoré, dévoré du début à la fin, un véritable roman de cape et d'épées comme je les aime.


Belles découvertes

1) Au revoir là-haut, de Pierre Lemaitre, le fameux Goncourt 2013, une histoire d'escroquerie à grande échelle sur fond d'après-guerre. Un roman très réussi, dynamique, avec des personnages attachants.
2) Le Déchronologue, de Stéphane Beauverger, une histoire complètement décalée dans le temps, sur fond historique, qui m'a laissé un bon goût de sel marin sur la langue.
3) Panopticon, de Nicolas Bouchard, un voyage en Europe aux frontières de la philosophie, du scientifique et du fantastique.
4) Une rançon, de David Malouf, qui revisite un épisode de la guerre de Troyes en laissant la part belle à la beauté des sentiments d'un père pour son fils, et d'un homme pour son meilleur ami.

Et je ne parle pas de tous ces superbes ouvrages qui m'ont passionnée tout au long de l'année, comme Silence, de Didier Comès, L'écume des jours, de Boris Vian ou encore Les évaporés, de Thomas B. Reverdy ! 


Mes bonnes résolutions pour 2014 ? Difficile d'en prendre, il y a tellement de livres que j'aimerais lire, tellement d'autres que je souhaite redécouvrir ! Je dirais tout simplement que je prends la résolution de continuer mes découvertes littéraires, mes expériences dans des genres que je ne côtoie que rarement, mes clubs de lecture qui me font découvrir tant de belles choses et bien sûr ce blog, qui est le reflet de mes émotions littéraires...

Je vous souhaite à tous une très belle année 2014, riches en lectures, en émotions, en frissons et en rires!


samedi 28 décembre 2013

64 - Blanche Neige, rouge sang

Auteurs : plusieurs
Éditeur : Fleuve Noir
Publié en : 2002

En cette période de fêtes, on a forcément envie de retrouver la magie des contes de notre enfance. Mais oui, je me fais vieille (si, si, j'vous jure), et j'ai voulu pour une fois en découvrir une vision plus noire, plus adulte. Et c'est chose faite avec ce recueil de contes, Blanche Neige, rouge sang, dans lequel Ellen Datlow et Terry Windling ont réuni plusieurs auteurs anglophones qui nous racontent dans ces nouvelles leur propre vision de nos contes favoris.

Plus noirs, plus horribles, plus sanglants, plus érotiques et avec certes beaucoup moins de morale, certains de ces contes sont transposés dans notre monde contemporain et sans magie, d'autres nous parlent d'une histoire fantastique bien plus horrible que celle qu'on nous lisait le soir quand nous étions enfants. Et le pari est réussi, car ces nouvelles sont captivantes, intrigantes, amusantes et effrayantes à la fois. En bref, tout est là pour retenir notre intérêt d'adulte. Mon gros coup de cœur reste quand même celui de Neil Gaiman, Le pont du troll, que j'avais déjà découvert et adoré dans un recueil de nouvelles de l'auteur intitulé Miroirs et fumées. J'ai été ravie de redécouvrir cette histoire au sein de cet ouvrage.

J'ai passé un bon moment avec ces quelques nouvelles qui m'ont donné une vision bien différente de la magie des contes...


"J'ai entendu le flip-flap de tes pieds sur mon pont. Et maintenant je vais avaler ta vie."

"Il sortit son grand couteau, coupa rapidement les têtes de ses sept filles et les jeta dans un baquet au pied du lit. Puis il entreprit de les écorcher, et fit de leur peau des vestes miniatures et des petites cuissardes. Il reprit une des têtes dans le baquet et récupéra la peau du visage, en faisant un joli masque.
- Le chien pourra le mettre quand il regardera la télé avec moi, dit-il, le tenant dans la lumière qui venait de la fenêtre."

"Emprisonnée ? Je répète le mot comme en écho. La lune ?
Elle hoche la tête.
Où ?
Elle désigne de la main la lueur que j'ai déjà aperçue, loin dans le marais."


 

vendredi 20 décembre 2013

63 - Leïlan - L'intégrale de la trilogie

Auteur : Magalie Ségura
Éditeur : Bragelonne
Publié en : 2011

Les Mondes de l'Est sont le terrain des affrontements entre le Bien et le Mal. Tous les 400 ans, les Champions de chaque camp s'affrontent dans un duel à mort mettant en jeu l'avenir de leurs Mondes. La destinée des personnages de ce roman ne leur appartient pas. Axel, Troisième Prince de Pandème, est promis depuis son enfance par les Trois Fées du Bien à un mariage avec la Troisième Princesse de Leïlan, Eléa. Mais la Princesse à peine née est assassinée, et Axel ne peut plus ni aimer ni être aimé de personne. Afin de reprendre son destin en main, il quitte le château de Pandème, cache sa véritable identité et parcourt les Mondes à la recherche de cette liberté. Jusqu'à ce qu'il pénètre en Leïlan et rencontre celle qu'on surnomme la Jeune-Fille-Aux-Yeux-Bleus...

Je ne sais pas comment exprimer l'émotion que je ressens encore alors que je viens à peine de refermer ce roman fabuleux. L'histoire est fantastique, merveilleuse, magique, mais également dure, cruelle, et parfois violente, d'apparence simple mais qui se révèle de plus en plus complexe au fil des pages. L'écriture est belle, fluide et pleine de sensibilité. Les personnages sont charismatiques, profonds, étranges et fascinants... Les Mondes décrits sont des plus merveilleux, avec une faune et une flore qui dépassent grandement mon imagination... Vous l'aurez compris, je suis entièrement sous le charme de Leïlan, et de Magalie Ségura, que je n'avais jamais eu l'occasion de lire. Je recommande chaudement cette trilogie, à tous les amateurs de Fantasy, de Fantastique, de Merveilleux. A consommer sans modération !

Je terminerais en précisant que la nouvelle qui termine ce chef-d'oeuvre m'a profondément émue, touchée et bouleversée. Lettre d'une mère à sa fille, A Chloé est le témoignage de l'histoire d'une femme qui a connu le pire et découvert le meilleur, qui a souhaité la mort pour finalement s'accrocher à la vie, et qui, sans le vouloir vraiment, de peur que sa fille ne souffre autant qu'elle, place en Chloé tous les espoirs de deux peuples qui se font la guerre et se haïssent depuis trop longtemps. Magnifique !


"La belle enfant se retournait vers nous pour présenter avec simplicité le pays qu'elle avait quitté depuis longtemps. J'ai alors remarqué ses yeux. Ils étaient bleus comme la nuit avec des paillettes étoilées. Pouvait-il exister un regard pareil en ces Mondes ? Elle était envoyée par les Fées, cela ne faisait plus aucun doute."

"Comment un amour qui n'avait pas besoin de paroles pour se comprendre pouvait-il être inconcevable ? J'offrais à Erwan la preuve de mon adoration par cet enfant, mais lui, dans ce regard, me donnait tout en son nom : son rang, sa richesse, son statut d'alchimiste, sa vie... Car, dans ses yeux d'or ne s'inscrivait qu'un seul mot : "fuir"."

lundi 9 décembre 2013

62 - Les Enchantements d'Ambremer

Auteur : Pierre Pevel
Éditeur : Le Livre de Poche
Publié en : 2007

Imaginez un Paris 1900 que nous connaissons bien. Placez-y des êtres merveilleux, tels les fées, les gnomes, les magiciens, les sirènes, les licornes... cohabitant au grand jour avec les humains. Ajoutez un soupçon de magie et d'ensorcellements en tous genres... Bienvenue dans le monde inventé par Pierre Pevel pour son roman, Les Enchantements d'Ambremer.

Ce roman est un conte, par son contexte, son décor, la nature de ses personnages, un conte qui nous enchante et nous plonge dès les premières lignes dans le merveilleux, la magie, la beauté. Mais son intrigue a tout d'un roman policier, et ne cesse d'étonner le lecteur. Car Pierre Pevel nous conte ici l'histoire d'un magicien, Griffont, enquêtant sur ce qui ne semble être qu'un trafic d'objets enchantés, mais qui va l'emporter dans un complot bien plus complexe, dangereux, magique et plein de rebondissements et de révélations inattendues. Le mélange des deux genres est parfaitement dosé et on vogue du merveilleux au suspense sans même s'en rendre compte. J'ai tout simplement adoré, à la fois ce monde enchanteur, ces personnages superbes, cette intrigue magique, tout !

Un magnifique roman que je recommande à tous les amateurs de surnaturel !


"A présent imaginez... Imaginez des nuées d'oiseaux multicolores nichés parmi les gargouilles de Notre-Dame; imaginez que, sur les Champs-Élysées, le feuillage des arbres diffuse à la nuit une douce lumière mordorée ; imaginez des sirènes dans la Seine ; imaginez une ondine pour chaque fontaine, une dryade pour chaque square ; imaginez des saules rieurs qui s'esclaffent ; imaginez des chats ailés, un rien pédants, discutant philosophie ; imaginez le bois de Vincennes peuplé de farfadets cachés sous les dolmens (...) Imaginez tout cela, et vous commencerez à vous faire une petite idée du Paris des Merveilles..."

"La vie est une tragédie dont il est permis de rire."

"- Bigre ! conclut le chêne. Que de mystères !... Un antiquaire malhonnête que l'on rend amnésique, un diplomate mondain assassiné, des Russes massacrés, des gargouilles sanguinaires. Quelle affiche !"
   

jeudi 5 décembre 2013

61 - Stupeurs et tremblements

Auteur : Amélie Nothomb
Éditeur : Albin Michel
Publié en : 1999

On pourrait croire que je lis beaucoup de romans d'Amélie Nothomb en ce moment, mais ce n'est que pure coïncidence. N'ayant rien à lire pour mon trajet du retour, mais beaucoup à lire chez moi, il me fallait un "petit bouche-trou". Stupeurs et tremblements trône sur mon étagère au boulot depuis suffisamment longtemps, j'ai donc sauté sur l'occasion de lire enfin cet ouvrage si célèbre.

Dans la catégorie des romans autobiographiques, nous retrouvons donc ici notre Amélie fraîchement embauchée pour une durée de 1 an dans une société japonaise. Le choc des cultures va être tel que les choses vont forcément mal se passer, et d'interprète, Amélie va devenir comptable, distributrice de courrier, serveuse de café, avant le grand drame final qui la mènera à passer ses journées à récurer les toilettes du 44e étage de la société.

Ce livre est hilarant. En tant qu'occidentale, je comprends tout à fait les difficultés auxquelles Amélie a dû faire face, mais elle a l'art et la manière de le raconter avec un humour de tous les instants et de toutes les situations, même les plus délicates. Le portrait de l'entreprise japonaise qu'elle nous propose ici est fait sans concession, mais, loin de paraître injuste ou méchant, il semble tout à fait réel, et Amélie pousse son humilité jusqu'à nous fournir également un portrait peu flatteur d'elle-même.

Un très bon Nothomb !


"Récapitulons. Petite, je voulais devenir Dieu. Très vite, je compris que c'était trop demander et je mis un peu d'eau bénite dans mon vin de messe : je serais Jésus. J'eus rapidement conscience de mon excès d'ambition et acceptai de "faire" martyre quand je serais grande.
Adulte, je me résolus à être moins mégalomane et à travailler comme interprète dans une société japonaise. Hélas, c'était trop bien pour moi et je dus descendre un échelon pour devenir comptable. Mais il n'y avait pas de frein à ma foudroyante chute sociale. Je fus donc mutée au poste de rien du tout."

  

mercredi 4 décembre 2013

60 - Le manoir des immortelles

Auteur : Thierry Jonquet
Éditeur : Folio (collection Folio policier)
Publié en : 2009


Dernier livre de l'année sélectionné pour le club de lecture CaroLire, Le manoir des immortelles est un court roman policier dont l'intrigue se situe dans les rues bien connues de notre capitale. Après la découverte de plusieurs cadavres d'hommes décapités à la faux, le commissaire Salarnier va remonter la piste de ce tueur mystérieux qui se prend pour la Mort...

Le manoir des immortelles est mon premier livre de Thierry Jonquet, et je n'ai pas été vraiment enthousiasmée par sa lecture. J'admets que l'intrigue et le mobile sont originaux, les personnages sont crédibles, il n'y a pas de temps mort (ha ha pour le jeu de mots... '-_-). Mais je n'ai pas réussi à entrer dans cette histoire centrée sur la Mort. Tout était trop évident, et sans suspense... ben j'ai honte d'avouer que je me suis ennuyée à lire ce livre, ce qui est quand même embêtant car il fait moins de 200 pages. 

Peut-être n'est-ce pas là l'ouvrage le plus représentatif du talent de Thierry Jonquet, et je me laisserai tout de même tenter par d'autres comme Mygale par exemple, dont on m'a déjà vanté les mérites il y a quelques temps !


"La Mort se penchait sur lui; une Mort peu académique, incarnée par une jeune femme ailée, dont la douceur des traits était soulignée par une chevelure d'un noir de jais. Elle était vêtue d'une robe vert sombre. La Mort était belle."

"La Mort, symbolisée par le squelette, ou le cadavre momifié, entraîne les vivants dans une sarabande légère qui dégénère bientôt dans les voies les plus diverses..."

  

vendredi 29 novembre 2013

59 - Au revoir là-haut

Auteur : Pierre Lemaitre
Éditeur : Albin Michel
Publié en : 2013

Les lauréats du célèbre prix Goncourt ne m'ont jamais plus intéressée que ça, jusqu'à cet Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre, dont tout le monde me dit tant de bien. J'ai donc décidé cette année de me lancer dans la lecture de ce titre si brillamment primé.

Au revoir là-haut nous parle de l'après guerre. L'intrigue commence en 1918, quelques jours avant l'armistice, alors qu'Édouard se blesse très grièvement en sauvant la vie d'Albert, enterré vivant dans un trou d'obus lors d'une charge de dernière minute menée par le lieutenant Pradelle, un arriviste prêt à tout pour donner vie à ses rêves de gloire. Nous assistons ainsi aux dernières heures de cette guerre sanglante, et aux premières lueurs de cet après-guerre instable. Car on en parle peu de ce qui se passe après : la démobilisation, le rapatriement des corps, le retour à la "vie normale" des soldats et surtout les abus en tous genres qui enrichissent les escrocs les plus insensibles sur le dos d'un peuple meurtri par la guerre...

Le sujet peut sembler grave, lourd et déprimant. Et il l'est, mais pas sous la plume de Pierre Lemaitre, qui fait de son intrigue une épopée rythmée, colorée, dynamique, teintée d'un humour noir omniprésent... Les 100 premières pages sont géniales, on entre très rapidement dans le vif du sujet. Les personnages sont crédibles et attachants, et l'histoire est tout simplement surprenante et inattendue. J'ai dévoré ce livre jusqu'au point final, impatiente de connaître le fin mot de cette histoire abracadabrantesque.

J'ai adoré découvrir cet auteur à travers son premier roman de littérature générale, et j'ai à présent grande envie de le retrouver dans le style qui l'a fait connaître et pour lequel il a déjà été plusieurs fois récompensé, le thriller.

Monsieur Lemaitre, je vous dis donc "à bientôt !".


"Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt étaient tous morts depuis longtemps. De la guerre, justement."

"Il perçut très confusément qu'il avait toujours sa jambe, ce qui était vrai. En capilotades, certes, mais encore à même de rendre (au moins partiellement) les services qu'on est en droit d'attendre d'une jambe de retour de la Première Guerre Mondiale."

"Les catastrophes tuent tout le monde, les épidémies déciment les enfants et les vieillards, il n'y a que les guerres pour massacrer les jeunes gens en si grand nombre."
  
 

vendredi 22 novembre 2013

58 - Ce qui nous lie

Auteur : Samantha Bailly
Éditeur : Milady (collection Milady Grande Romance)
Publié en : 2013

Un peu de romance pour changer, avec cette histoire de Samantha Bailly publiée chez Milady. Ce qui nous lie nous parle d'Alice, une jeune femme qui possède le don de voir les liens entre les personnes et leur intensité. Après avoir passé une année entière à utiliser ce don pour que les femmes trompées découvrent la vérité sur leur conjoint, Alice décide de reprendre une vie normale et trouve un travail. Mais son nouveau chef, Raphaël, l'intrigue... Elle est incapable de voir les liens qui l'entourent.

J'avoue que ce n'est pas le synopsis qui m'a poussée à lire Ce qui nous lie, puisqu'au premier abord je me suis dit que c'était une énième histoire d'amour fantastique, à destination de jeunes filles en manque d'émotions. Non, c'est une amie qui m'a conseillé ce livre, "Lis-le, il est pas mal du tout, et bien plus que ce qu'il parait". Et je ne regrette pas du tout d'avoir suivi son conseil.

Certes, il ne s'agit pas de l'histoire d'amour du siècle. Il ne s'agit pas d'une histoire d'amour tout court, mais plutôt de l'histoire d'une jeune fille brisée qui retisse ses liens avec le monde qui l'entoure. Alice est perdue, émouvante, attachante, et on se met facilement à sa place. Son don lui procure une force d'âme qui lui permet de rester à l'écart de ce qui la blesse dans un premier temps, une sorte de vengeance personnelle qu'elle met au service de ses semblables, mais qui ensuite la pousse à combattre ses peurs pour retrouver sa propre place dans le monde. L'écriture est simple et directe, et on arrive sans voir le temps passer au bout de ces 282 pages, qui certes ne marqueront pas les annales de la littérature, mais qui, le temps de cette histoire, nous font facilement oublier le monde qui nous entoure.


"Cette phrase balaie toute ma solitude. J'ai longtemps voulu être unique. Mais qu'y a-t-il de plus rassurant que le semblable ?"

"Dans une relation, chacun est entre les mains de l'autre. On peut prendre soin de son hôte, le saisir avec délicatesse, lui prodiguer de l'affection. Parfois, on ne réalise pas à quel point ce que l'on tient est précieux et fragile... On le malmène, on l'écrase. C'est seulement lorsque sa possession est partie, laissant les doigts ensanglantés, que l'on prend conscience de sa propre cruauté. De ce que l'on a perdu."

"La vie va de pair avec des blessures. Il faut simplement accepter cette éventualité et prendre conscience des situations dont on sort indemne. "

 

mercredi 20 novembre 2013

57 - Le Voyage d'hiver

Auteur : Amélie Nothomb
Éditeur : Albin Michel
Publié en : 2009


Parce qu'il n'y a pas qu'en août qu'on lit du Nothomb, et que j'en ai manqué beaucoup avant de m'habituer à la lecture annuelle de cette auteur... Oui je sais, on est fan ou on ne l'est pas, et ses romans ne m'ont pas toujours emballée, et pourtant... Elle a un certain sens de l'originalité qui fait qu'on en veut toujours plus. Je me plonge donc pour cette fois dans le "cru 2009", Le Voyage d'hiver.

Nous rencontrons, dans ce court (comme toujours) roman, Zoïle, un jeune homme qui projette de prendre l'avion et de se faire exploser avec l'appareil et les autres passagers. N'y voyez là aucun acte terroriste, il n'y en a pas. Pourquoi donc Zoïle en est-il arrivé à cette extrémité ? C'est ce qu'Amélie Nothomb nous raconte au travers de l'histoire de cet homme, écrite en salle d'attente avant de prendre le vol fatidique.

Je ne sais pas où l'auteur nous trouve ses prénoms, mais nous avons encore une fois une jolie galerie de personnages dans ce Voyage d'hiver : Zoïle et Astrolabe. Les prénoms ne faisant pas tout, intéressons nous à l'histoire. Je dois dire que j'ai eu du mal à y entrer au début, mais dès qu'on a arrêté de parler de faire exploser un avion et qu'on en est venu à l'histoire entre Zoïle, Astrolabe et Aliénor, c'est tout de suite devenu beaucoup plus intéressant. Mais bon, je suis un peu déçue de n'avoir pas retrouvé le grain de folie qui fait l'originalité des autres romans que j'ai pu lire d'Amélie Nothomb.

2009 est donc pour moi un cru très moyen, que je vais très certainement vite oublier (ça ne va pas non plus m'empêcher de découvrir les titres précédents ^_^).



"Je hais la haine et pourtant je la ressens. Je connais ce venin qui s'inocule dans le sang en une morsure et qui infecte jusqu'à l'os."

"Déclarer que sa vie n'a pas de sens, ce n'est pas sérieux. Dans mon cas, il serait exact de dire que jusqu'ici ma vie n'avait pas d'objet. Et je m'en trouvais bien. C'était une vie intransitive."

"J'ignore ce qu'est la réussite d'une histoire d'amour, mais je sais ceci : il n'y a pas d'échec amoureux. C'est une contradiction dans les termes. Éprouver l'amour est déjà un tel triomphe que l'on pourrait se demander pourquoi l'on veut davantage. "
 

56 - Le cœur cousu

Auteur : Carole Martinez
Éditeur : Folio
Publié en : 2007

Une enfant qui nait avec des plumes, une jeune fille qui coud un cœur à une statue vide de la Vierge, une mariée dont la robe telle une fleur se fane le jour de son mariage, un œuf de poule à la couleur particulière donnant naissance à un poussin rouge écarlate, une femme qui recoud un homme à son ombre... On pourrait croire que cet ouvrage est un recueil de nouvelles étranges et fantastiques. Mais il s'agit bien d'un roman, d'un conte magique dont les mots se posent délicatement dans notre esprit pour nous engloutir dans une sorte de torpeur merveilleuse.

J'ai retrouvé dans Le cœur cousu la plume si pleine de poésie de Carole Martinez, que j'avais découverte dans l'excellent Du domaine des murmures. A travers ces courts chapitres semblables à des contes fantastiques, Soledad nous relate l'histoire de sa mère, de sa lignée dont les mères et filles se transmettent un héritage bien étrange. Encore une fois dans ce roman de Carole Martinez, la femme est à l'honneur, représentée comme un personnage fort, qui porte la vie et le monde à bouts de bras. La douleur de l'Andalousie mais également son folklore et ses traditions sont présentes tout au long de l'ouvrage, donnant encore plus de profondeur à l'histoire, mystique, étrange et envoûtante.

Le cœur cousu a eu énormément de succès auprès des lecteurs et obtenu de nombreux prix littéraires, ce qui n'a rien d'étonnant pour un ouvrage d'une telle poésie, d'une telle beauté. Et j'ai finalement été ensorcelée à mon tour... Il semble que l'écriture est à Carole Martinez ce que la couture est à son personnage principal, Frasquita, un don magique et merveilleux, qu'on ne se lasse pas de contempler.


"Mon nom est Soledad.
Je suis née, dans ce pays où les corps sèchent, avec des bras morts incapables d'enlacer et de grandes mains inutiles.
Ma mère a avalé tant de sable, avant de trouver un mur derrière lequel accoucher, qu'il m'est passé dans le sang."


"On voit ses enfants grandir, mais on ne les voit jamais vieillir. C'est ainsi."

"Manuel resta un long moment interdit, contemplant l’antichambre de la géhenne, ce cauchemar d’ombre et de pierre où séjournaient les misérables condamnés en attendant que s’ouvrît pour eux la grande porte des morts. Pour s’arracher aux pensées morbides qu’inspirait ce spectacle dantesque, il lui fallut se concentrer sur sa respiration et sentir son cœur battre dans sa poitrine, il dut se convaincre qu’il était toujours vivant, alors seulement il parvint à dominer l’angoisse qui le prenait à la gorge."
  

mercredi 13 novembre 2013

55 - Dogs

 
Auteur : Guillaume Cazenave
Éditeur : Terria Films
Publié en : 2013

Pour mon plus grand plaisir, Guillaume Cazenave m'a contactée via Babelio pour me proposer de lire son roman, Dogs. Publié en fin d'année dernière, ce titre n'a malheureusement pas eu la mise en place qu'il méritait, son éditeur ayant été mis en liquidation judiciaire. Il n'est donc aujourd'hui disponible qu'en numérique. C'est donc sur mon tout nouvel Ipad que je me suis finalement plongée dans cette histoire...

Le "système Dogs" consiste à faire des prisonniers qui encombrent les prisons des Dogs, plus vulgairement des chiens. Tout y est, le collier, le maître, le chenil... Mais les Dogs s'apparentent bien plus aux esclaves, leur collier étant relié par une chaîne au maître, lui permettant d'électriser son Dog au gré de ses envies, ce dernier devant donc obéir à ses moindres caprices. Le Dog n'a ni passé, ni avenir, il vit au jour le jour selon les tâches que lui attribuent ses maîtres. Il ne fait rien pour lui-même, a perdu toute notion d'espoir, d'optimisme, de bonheur. Donatello Minaï est l'un d'eux, survivant tant bien que mal auprès de la famille Des Rolles, dans un monde qui lui semble uniformément gris. Mais lorsque sa maîtresse le force à s'accoupler avec une Dogue femelle, Donatello commence à se poser des questions...

J'ai été très surprise par cet ouvrage et par l'histoire qu'il nous offre (peut-être parce que je suis très peu habituée aux uchronies). Dogs m'a proposé quelque chose de différent de ce que j'ai l'habitude de lire, et je trouve que c'est le genre d'histoire qui fait se poser pas mal de questions sur notre système carcéral actuel, sur les risques que nous avons de tomber un jour dans de tels excès, sur ce qui pourrait rendre cette fiction cruellement réelle. Donatello est attachant, on le découvre petit à petit, pas assez rapidement à mon goût, puisque j'avais très hâte de savoir comment il en était arrivé là. Mais j'admets que le suspense est nécessaire à l'histoire. On a tendance à l'apprécier, sans savoir quels sont ses crimes, ce qui est assez déroutant. J'aurais par contre aimé avoir un peu plus d'explications sur le "système Dogs" en général, le texte s'attardant plus sur le Dog lui-même, sa condition quotidienne, ce qu'il est et ce qu'il n'est pas (ou plus). Je me demande par exemple depuis combien de temps le système est en place, à partir de quel degré de crime on passe de la prison au chenil, plein de petits détails comme ça qui m'ont manqués tout au long de l'ouvrage...

Mais ces questions n'ont pas gâché mon plaisir de lecture (c'est quand même le plus important !), et j'ai été très curieuse tout au long de l'histoire d'en connaître l'évolution, de savoir où l'auteur veut nous emmener. L'action commence tout doucement pour s'accélérer jusqu'à la fin, et on ne s'ennuie pas une minute. Même si vous n'êtes pas fan de ce genre de romans, laissez-vous tenter !

Un grand merci à Guillaume Cazenave pour cette découverte de son roman et de son univers, et pour sa confiance.


"Tout ce que passé et futur impliquent, Donatello doit l'évacuer dans une autre galaxie, au mieux à l'intérieur d'un colossal trou noir. Voilà pourquoi le jeune homme se focalise sur ce présent, voilà pourquoi il limite sa vie à la plus petite fraction de temps possible."

"La paranoïa est le meilleur levier de l’imagination."

"Le Dog se demande alors si faire l’éducation d’un enfant ce n’est pas la même chose que tenir un chien en laisse ; montrer le droit chemin, retenir près de soi aussi longtemps que besoin puis, une fois à destination, lâcher prise, laisser vivre…"

N'hésitez pas à vous abonner à la mailing list de l'auteur : http://eepurl.com/Hoo6r
  

jeudi 7 novembre 2013

53 - La Cité des Anciens T3 et T4 - La Fureur du fleuve / La Décrue

Auteur : Robin Hobb
Éditeur : Pygmalion
Publié en : 2011

Robin Hobb fait partie de ces auteurs qui m'ont accompagnée au cours des années, que je prends toujours plaisir à (re)découvrir, et dont je ne me lasse jamais. Je sais lorsque j'ouvre l'un de ses ouvrages que je vais passer un bon moment, et ces deux tomes des Cités des Anciens ne dérogent pas à la règle.

Dans cet univers que l'auteur a créé pour ses sagas de L'Assassin Royal et des Aventuriers de la mer, cet univers qu'on connaît si bien qu'on s'y sent comme chez soi, nous suivons ici l'histoire initiée dans les deux précédents tomes de cette saga. Les dragons, après avoir difficilement éclos de leurs cocons, et survécu tant bien que mal grâce à l'aide forcée des humains, remontent le fleuve du Désert des Pluies, à la recherche de cette cité disparue qui hante leurs souvenirs : Kelsingra. Accompagnés de quelques gardiens rejetés par la société, de chasseurs qui doivent assurer leur subsistance, et de la vivenef Mataf, c'est un périple sans fin, dangereux, et au but incertain, qui nous est ici conté. 

Je n'en dis pas plus, de peur de gâcher le plaisir de ceux qui n'ont pas encore lu cette partie de l'histoire. Sachez seulement que, encore une fois, j'ai été enchantée de retrouver Alise, Thymara, Sintara et bien d'autres, de les voir évoluer et avancer dans leur quête de l'impossible, mais également dans leur quête d'eux-mêmes. Pour mon plus grand bonheur, il me reste heureusement encore quelques tomes à savourer avant de terminer Les Cités des Anciens !

"Et, si des hommes peuvent créer des règles, d'autres peuvent les changer ; nous pouvons les changer. Ce n'est pas parce que "ça a toujours été ainsi" que nous devons nous soumettre à la tradition ; nous pouvons nous en libérer si nous en avons le courage."

"Après tout, les humains n'étaient que des humains, avec un intellect limité par leur brève espérance de vie."

"Elle avait entendu parler de collines, et même de montagnes, et elle croyait s'en être fait une représentation exacte, mais voir le sol s'entasser sur lui-même pour escalader le ciel dépassait presque son entendement."

vendredi 1 novembre 2013

52 - Petites scènes capitales

Auteur : Sylvie Germain
Éditeur : Albin Michel
Publié en : 2013

Pour continuer sur ma découverte de la rentrée littéraire Albin Michel, me voici plongée dans ce roman de Sylvie Germain, Petites scènes capitales. Cet auteur m'a été chaudement recommandée par plusieurs personnes qui la suivent depuis plusieurs années déjà, et cet ouvrage plait beaucoup à mon entourage. Une fois n'est pas coutume, je me lance donc dans cette lecture sur simple recommandation, sans même avoir lu la quatrième, sans savoir à quoi m'attendre.

Petites scènes capitales... Ce titre est très bien trouvé, car ce roman raconte la vie de Lili à travers différentes scènes de son existence, depuis sa plus tendre enfance. Privée de sa mère dès le plus jeune âge, nous allons suivre l'enfant, puis l'adolescente et enfin la femme, tout au long de ces scènes capitales de sa vie, et nous vivrons avec elle le remariage de son père, sa famille recomposée, les différentes épreuves qu'elle traversera au fil des ans... Dans une France de l'après-guerre, l'histoire de Lili se pose également en témoin des préoccupations de cette époque. Les chapitres sont courts, mais on comprend parfaitement l'histoire de Lili sans avoir forcément tous les détails sur ce qui se passe entre ces scènes capitales. L'émotion est très bien décrite et on ressent facilement la palette de sentiments qui la bouleverseront tout au long de sa vie.

Un petit bémol tout de même, puisque j'ai ressenti un peu d'ennui vers la fin du roman, l'auteur se perdant un peu en descriptions et émotions qui selon moi n'apportent plus grand chose à l'histoire... Ce roman de Sylvie Germain reste néanmoins très bien écrit, très agréable à lire, et m'a fait passer un très bon moment.


"Barbara : une chimère miniature engendrée par une mère-fantôme auréolée d'une flaque de soleil."

"Pourquoi suis-je là, pourquoi suis-je moi, en vie, telle que je suis, en cet instant ? Qu'est-ce que je fais là sur la terre ? A quoi bon ? Oui, à quoi bon exister ? A quoi bon moi ?" 

"Il reste Lili, sa fille unique, la discrète, l'invariable, la toujours-là. Peut-être est-il tellement habitué à elle qu'il ne la remarque plus guère, elle est une évidence, un acquis sûr."

  

jeudi 31 octobre 2013

51 - Servir froid

Auteur : Joe Abercrombie
Éditeur : Bragelonne
Publié en : 2013

Avec un titre comme Servir froid, on s'attend bien évidemment à une histoire de vengeance. Joe Abercrombie ne nous déçoit pas avec cette intrigue sordide, violente et pleine de rebondissements. 

Monza est général d'une armée de mercenaires, qu'elle met au service du Duc Orso avec pour objectif de le placer sur le trône de Styrie, un pays incessamment en guerre qui ne connait que la loi du plus fort. Mais les victoires de Monza et de son frère, Benna, poussent le Duc Orso à les faire assassiner. Il ne faudrait pas que la Bouchère de Caprile, comme on la surnomme, n'en vienne à prendre sa place... Benna meurt, mais pas sa sœur, qui est sauvée in extremis et qui entreprend sa vengeance contre les sept personnes qui ont perpétré le meurtre de son frère bien aimé. Elle saura s'entourer de personnages tous plus différents et dangereux les uns que les autres, et de fil en aiguille, d'alliances en trahisons, de complots en massacres, elle va mener sa quête de vengeance à travers toute la Styrie.

Sans être un chef-d'oeuvre de la littérature, ce roman est distrayant, pas prise de tête, et j'ai passé un très bon moment de lecture en compagnie de Monza et de ses acolytes. Le rythme est bien soutenu, l'action omniprésente, et le final est des plus surprenants (en tous cas, je ne l'avais pas vu venir). Une suite est en cours parait-il, que je lirai très certainement.


"Passé un certain seuil de douleur, tout le monde devient lâche." 

"- J'essaie juste de me débrouiller pour que l'avenir s'annonce un peu mieux que le présent. Je suis un de ces..., vous avez un mot pour ça, non ?
- Imbéciles ?"

"Quand la vie vous emprisonne, rien n'est plus libérateur que la captivité."

mardi 22 octobre 2013

50 - La tour de Babylone

Auteur : Ted Chiang
Éditeur : Denoël
Publié en : 2006

La tour de Babylone est un recueil de nouvelles de science-fiction, dans lesquelles le mot science prend vraiment toute sa signification. Maitrisant parfaitement ses sujets, Ted Chiang pousse à l'extrême les mathématiques, la biologie, la génétique, l'informatique, la linguistique, et bien d'autres domaines encore, comme la religion, dans des scénarios plus étonnants les uns que les autres, pour le plus grand plaisir du lecteur (du mien en tous cas !).

La tour de Babylone, c'est également le titre de la première de ces nouvelles, l'une de mes préférées. Une belle entrée en matière avec l'histoire de ce mineur qui passe des années à monter en haut d'une tour d'une hauteur inimaginable, afin de creuser la voûte du ciel et permettre ainsi d'élever la tour jusqu'à leur Dieu, nommé Jéhovah. Un vrai coup de cœur. Mais toutes ces nouvelles ont leur propre personnalité, leur propre charme, et j'ai été complètement absorbée par leur lecture. Le plus effrayant étant que la science évolue de telle manière de nos jours, qu'on peut sans peine imaginer que tout ceci ne sera plus de la fiction dans un avenir plus ou moins proche... Et c'est effrayant !

Alors certes on souhaiterait que l'auteur soit plus prolixe et nous écrive un peu plus que 8 nouvelles en 11 ans, mais on lui pardonne très facilement ce léger défaut quand on voit à quel point ces nouvelles sont abouties, étonnantes et passionnantes, voire visionnaires. Merci Ted Chiang !


"Peut-être les hommes n'étaient-ils pas censés vivre en un tel lieu. Si leur nature les empêchait d'approcher les cieux de trop près, alors ils devaient rester sur terre."

"Quand tu apprendras à marcher, je redécouvrirai tous les jours l'asymétrie de notre relation. Tu passeras ton temps à courir partout et, chaque fois que tu te cogneras contre un montant de porte ou que tu te couronneras le genou, il me semblera éprouver ta souffrance, posséder un nouveau membre, une extension mobile de moi-même dont les nerfs sensoriels me transmettront les signaux de douleur, mais dont les nerfs moteurs ne répondront pas à mes impulsions. Cela me paraîtra injuste : j'aurai engendré une poupée vaudou animée à mon image. "   

"Si les scientifiques découvrent un jour un moyen d'inhiber la connerie humaine, je voterai pour. "

 

mardi 15 octobre 2013

49 - Une rançon

Auteur : David Malouf
Éditeur : Albin Michel
Publié en : 2013


Souvenez-vous de L'Illiade d'Homère et imaginez-vous au cœur de la guerre de Troie. Imaginez Achille, encore dévasté par la mort de son ami Patrocle, venant tout juste de tuer Hector. Imaginez Priam, roi de Troie, réclamant au héros le corps de son fils. On pourrait à juste titre penser à une histoire pleine d'aventures et de rebondissements, de sang et d'action. Et bien il n'en est rien. Car ici, dans cette version que nous offre David Malouf, nous plongeons au cœur des sentiments humains de ces protagonistes que nous ne connaissons que pour leurs exploits guerriers.

Je dois dire que ce roman est assez intrigant. Dès les premières lignes, une telle poésie enveloppe chaque mot, chaque phrase, qu'on se demande un peu de quelle histoire il s'agit... Quel est l'intérêt d'une nouvelle version de cet épisode de la guerre de Troie ? Mais la beauté de l'écriture envoûte rapidement le lecteur, et on se prend à revivre cette épopée bien différemment... Achille et Priam, deux hommes qui ont aimé et perdu un être cher, deux hommes que tout oppose mais qui vivent leur douleur chacun à leur manière. Deux hommes qui, ici, sont plus que jamais humains. C'est ce que nous raconte David Malouf dans Une rançon, avec une prose envoûtante et une poésie de chaque instant.

Un livre qui, au premier abord, peut paraître bien ennuyeux, mais qui se révèle être un véritable petit bijou de littérature.


"Il attend la déchirure. Que quelque chose survienne qui rompra le sortilège qui le lie, la fureur dévorante qui l'anime et ruine de désespoir son esprit. Quelque chose de neuf et d'inimaginable encore, dont la rencontre viendra le confronter à la nécessité de s'arracher à l'étouffante toile grise qui l'enserre."

"C'est ma chair que l'on traîne dans la poussière là-bas. Par sept fois déjà j'ai pleuré un fils dans cette guerre. Et de chacun, ce que je me rappelle, ce sont les petits coups de pied qu'ils me donnaient sous le cœur – ici, juste ici –, et le premier cri qu'ils ont poussé quand je les ai mis au monde, et leurs premiers pas."

"Il ne lui était jamais venu à l'esprit que la nourriture qui arrivait si promptement sur sa table, et en telle abondance, pût renfermer des ingrédients. Qu'une crêpe, ou galette, pût se présenter sous la forme antérieure d'une pâte. Que cette pâte pût consister en un mélange de bonne farine de sarrasin et de babeurre, et que cette bonne sensation qu'on en retirait pût dépendre de l'épaisseur de la pâte ou de la légèreté du poignet."

 

lundi 14 octobre 2013

48 - Le don du loup

Auteur : Anne Rice
Éditeur : Michel Lafon
Publié en : 2013


Anne Rice est un auteur que j'affectionne tout particulièrement, étant tombée très jeune sous le charme de ses sorcières dans un premier temps, puis de ses célèbres vampires. Autant dire que son dernier livre me faisait saliver ! Lorsque le dernier Masse Critique m'a tirée au sort pour cet ouvrage, inutile de préciser que j'ai sauté dans tous les sens en criant comme une folle... (oui, c'était très drôle à voir).

Loin de ses sujets de prédilection, Anne Rice nous raconte ici l'histoire de Reuben, un jeune journaliste issu d'une famille riche. Lors d'un reportage dans un grand manoir qui doit être vendu, Reuben assiste au meurtre de la propriétaire, est lui-même mortellement blessé mais s'en sort grâce à l'intervention d'une bête inconnue. Après sa guérison miraculeuse, Reuben découvre qu'il a reçu de cette bête un Don particulier, qui lui permet de se transformer en Homme-Loup.

Après une mise en place un peu longue, mais qui introduit bien le cadre et l'ambiance générale de l'histoire, on est très vite pris dans la tourmente de ces événements qui vont marquer la vie de Reuben depuis sa "contamination". Loin des classiques loups-garous, qui se prennent pour des monstres, tuent sans s'en rendre compte et vivent continuellement dans une lutte sans fin contre leur nature, Reuben l'accepte très facilement et, au contraire, décide d'en faire quelque chose de bien. Car ce Don lui permet, entre autres, de déceler le mal chez les gens. Une perspective assez originale je trouve, pour une histoire d'Homme-Loup qui s'annonçait somme toute très banale. Et, comme toujours dans les romans d'Anne Rice, l'écriture, les décors, les descriptions, la psychologie des personnages sont suffisamment travaillés pour faire de ce livre un peu plus qu'un agréable moment de lecture, nous faisant sans peine oublier quelques longueurs et répétitions par-ci par-là.

Un grand merci, encore une fois, à Babelio, qui organise ces opérations Masse Critique, et bien évidemment un grand merci à Michel Lafon.


"Mordant profondément dans l'épaule de l'homme, il arracha d'un même élan le vêtement et la chair ; celle-ci avait un goût généreux, irrésistible, auquel se mêlait la pestilence du mal, du vice, de l'avilissement extrême."

"J'ai fait ce qu'il m'a semblé naturel de faire... J'ai entendu les voix ; les voix m'appelaient ; j'ai flairé l'odeur du mal et je l'ai suivie. Ce que j'ai fait, je l'ai fait aussi naturellement que je respire." 

"Il fallait vire sur cette côte austère et froide pour mesurer le véritable prodige qu'était une belle journée, lorsque les brumes marines avaient déguerpi comme si leur règne glacial avait pris fin. "


Que vous aimiez Sylvain Tesson. ou Serge Joncour, Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski ou Into the wild, Babelio vous invite toute l’année à découvrir des avis sur des livres ou des extraits d'oeuvres en allant sur Babelio.com.

 

vendredi 4 octobre 2013

47 - Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Auteur : Mathias Enard
Éditeur : Actes Sud
Publié en : 2010

Ce n'est jamais très risqué de se lancer dans un Goncourt des Lycéens, et je prends de plus en plus de plaisir à découvrir les différents ouvrages qui ont obtenu ce prix. En 2010, Mathias Enard était ainsi récompensé avec ce titre, Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, qui trône depuis un moment déjà dans ma bibliothèque et que je n'avais encore pas eu l'occasion de lire. CaroLire me donne l'excuse parfaite pour enfin me lancer dans cette histoire.

On peut dire que cet ouvrage est un condensé d'originalité. L'histoire, pour commencer, relate une période de la vie du célèbre Michel-Ange, quelques années avant qu'il ne peigne ses chefs-d’œuvre de la chapelle Sixtine. Se sentant abandonné par le pape Jules II dont il doit réaliser le tombeau, Michel-Ange accepte de se rendre auprès du sultan Bajazet, à Istanbul, afin de construire un pont sur la Corne d'Or. Entre le travail même de l'artiste, débordant de génie et de passion, et sa découverte de ce pays si exotique et différent du sien, les chapitres vont nous plonger dans un doux rêve oriental dont on ne se réveillera qu'à la fin du livre. Car l'originalité de ce roman réside également dans sa construction en très courts chapitres, et dans la poésie qui s'en dégage crescendo jusqu'au point final.

Je n'ai aucune réserve concernant cet ouvrage, car même si on est dérouté par les premières minutes de lecture, l'envoûtement arrive suffisamment tôt pour nous happer et nous laisser avec un sentiment de douce mélancolie au moment de replacer ce chef-d’œuvre dans la bibliothèque... Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants est un véritable conte enchanteur, à lire, à découvrir, à savourer.


"Les rois sont des sauvages qui tuent leurs chevaux sous eux ; il y a bien longtemps qu'ils n'offrent plus d'éléphants à leurs princesses."

"Je sais que les hommes sont des enfants qui chassent leur désespoir par la colère, leur peur dans l'amour ; au vide, ils répondent en construisant des châteaux et des temples."


"Combien faudra-t-il d’œuvres d'art pour mettre la beauté dans le monde ?" 



 
 

jeudi 3 octobre 2013

46 - L'âme du Mal

Auteur : Maxime Chattam
Éditeur : Pocket
Publié en : 2003

Je ne connaissais de Maxime Chattam que sa série fantastique Autre-Monde. Déjà la plume de l'auteur m'avait séduite. Mais c'est dans un genre tout à fait différent que je le retrouve ici, dans L'âme du mal, l'un des romans qui a fait de cet auteur l'un des maîtres du thriller français.

L'intrigue se déroule à Portland, dans l'Oregon. Nous avons un tueur en série, particulièrement violent et sanglant, des victimes torturées et mutilées, et le jeune inspecteur Joshua Brolin, chargé de l'enquête. Le schéma habituel donc, pour un thriller. Mais l'intrigue est très bien pensée, les investigations passionnantes, avec juste ce qu'il faut d'indices, de rebondissements et de révélations pour maintenir le lecteur en haleine jusqu'à la fin. Les pages se tournent toutes seules, et on plonge sans s'en rendre compte dans l'horreur de cette enquête. 

J'ai particulièrement aimé la profondeur psychologique des personnages, ils existent vraiment et chacun apporte sa contribution à l'histoire. L'inspecteur Brolin, bien sûr, est mon préféré, et je me réjouis déjà de le retrouver dans la suite de cette trilogie sur le Mal. Son expérience de profileur est un vrai plus pour la résolution de l'intrigue, et ses déductions sont passionnantes à découvrir (parfois même bluffantes). L'écriture est détaillée, très précise et réaliste, même dans l'horreur du crime (je pense à la description de l'autopsie par exemple). On voit bien que l'auteur sait de quoi il parle, et qu'il maitrise son sujet à la perfection, plongeant son lecteur dans une atmosphère angoissante et passionnante. Quant au final... Parfait pour nous mettre l'eau à la bouche et nous donner envie de se plonger directement dans le 2e tome !

Un thriller passionnant et haletant, donc, et je compte bien persévérer dans l’œuvre de Maxime Chattam, qui est un auteur que j'affectionne particulièrement.


"Imaginons qu'il était battu par son père, violé et tout le toutim, et ensuite ? Pourquoi on lui a fait ça ? Son père aussi a été violé et battu ? Ça n'a donc jamais de fin, c'est une spirale de haine et de violence qui n'a pas de début ni d'achèvement ? La genèse de ces monstres, le tout début, il provient d'où ? Ce mal qui a un jour frappé un homme, il s'est fait comment ?"

"Personne n'est à l'abri, cela peut arriver à n'importe qui, on sort du boulot, et sans même savoir que l'on a croisé la route d'un malade, on plonge dans l'horreur."

"Nous ne dormons pas seulement pour nous reposer. Mais également pour mieux vivre, pour guérir nos malheurs. Finalement, le sommeil adoucit les peines, il fait perdre leur consistance aux maux et transforme une réalité en souvenir."
  

vendredi 20 septembre 2013

45 - La chute du British Museum

Auteur : David Lodge
Éditeur : Rivages
Publié en : 1993

Adam est déjà père de 3 enfants, et depuis ce matin peut-être de 4. Sa femme Barbara a des nausées. Le problème, c'est qu'étant catholiques pratiquants, ils se doivent de respecter les lois de l’Église concernant la natalité, et ne peuvent ainsi pas utiliser de contraception artificielle. Mais Barbara continue de tomber enceinte, encore et encore, et Adam n'a pas les moyens d'avoir une famille aussi nombreuse. C'est donc plein d'angoisses qu'il se rend comme tous les jours au British Museum afin travailler sur sa thèse, mais la journée va être bien mouvementée... 

Sous ses airs de roman comique, La chute du British Museum traite de sujets de fond comme l'influence de la religion sur la famille. Il est vrai que de nos jours, on a beaucoup de mal à s'imaginer respecter ce genre de contraintes, mais n'oublions pas qu'il n'y a pas si longtemps, l’Église avait force de loi pour de nombreux pratiquants. La religion et le sexe sont donc deux grands sujets traités par David Lodge, à tel point qu'il en vient à comparer la Salle de Lecture du British Museum à un utérus. Ce roman raconte les péripéties d'Adam sur une seule journée. Les événements s'enchaînent et sont de plus en plus rocambolesques et abracadabrants, jusqu'au "grand final".

Le comique de situation ici ne m'a pas du tout touchée. Je n'ai pas ri, ni même souri, à aucun moment de cette histoire sans queue ni tête, et qui pourtant était prometteuse. Je me suis même ennuyée et j'étais bien contente de refermer ce livre après un épilogue des plus indigestes. Enfin bref, j'ai été très déçue...


"- C'est une forme spéciale de névrose du chercheur, dit Camel. Il n'est plus capable de faire la distinction entre la vie et la littérature.
- Oh si, je peux, dit Adam. Dans la littérature, on fait surtout l'amour et on fait peu d'enfants. Dans la vie, c'est l'inverse."
"Est-ce que tu te rends compte que le taux de natalité indique qu'il y aura une prédominance de catholiques parmi les Anglais dans trois ou quatre générations ? C'est cela que tu veux ?"

 

mercredi 4 septembre 2013

44 - Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates

Auteurs : Mary Ann Shaffer & Annie Barrows
Éditeur : NiL Éditions 
Publié en : 2009

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates... Le titre seul a suffi à capter mon attention. Alors quand j'ai vu quel succès cet ouvrage a rencontré et les très nombreuses critiques plus que positives des lecteurs, je n'ai pas hésité une seconde à me lancer, à mon tour, dans sa découverte.

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates est un club de lecture créé totalement par hasard par des habitants de l'île de Guernesey, afin d'échapper à la répression nazie. Au départ, ce n'était qu'un prétexte, mais peu à peu, ses membres, qui pour la plupart n'avaient jamais ouvert un livre, se sont pris au jeu et ont usé de ce rassemblement comme distraction pour échapper aux cruels moments qu'ils ont vécu sous l'Occupation allemande. Peu après la guerre, alors que chacun essaie de retrouver un semblant de vie normale à Londres, Juliet, une écrivaine à succès en quête d'inspiration, va être amenée à correspondre avec les membres de ce club. Et c'est à travers ces nombreuses lettres que nous découvrirons un panel de sujets bien divers et prenants, tels que la vie des habitants de Guernesey sous l'Occupation, l'exil de leurs enfants, le rationnement, leurs relations avec les soldats allemands... Mais également leur vie à chacun, avec plusieurs anecdotes plus ou moins drôles et littéraires, attendrissantes dans tous les cas...

Les lettres se suivent et ne se ressemblent pas, et le lecteur se prend facilement à réfléchir, à rire, à s'émouvoir... Car ces bribes de vie qui nous sont offertes sont un témoignage de ce que les habitants de Guernesey ont subi pendant l'Occupation, une question que je n'avais songé à me poser... Alors oui, le sujet est grave, mais les différentes anecdotes nous montrant le quotidien de ces braves gens rendent cette lecture légère et drôle, et cet ouvrage de Mary Ann Shaffer n'en est que plus facile à apprécier. Une très belle lecture, que je recommande sans modération.

"Quand mon fils Ian est mort aux côtés de son père, à El-Alamein, les gens qui me présentaient leurs condoléances ajoutaient souvent : "La vie continue", pour me réconforter. Quelle bêtise, me disais-je. Bien sûr que non elle ne continue pas. C'est la mort qui continue. Ian est mort et il sera encore mort demain, l'année prochaine, à jamais. La mort est sans fin. Mais peut-être y aura-t-il une fin à la tristesse."

"Je n'ai jamais rencontré d'homme ne serait-ce qu'à moitié aussi sincère qu'un chien. Traitez dignement un chien, et il se montrera digne de vous, vous tiendra compagnie, sera un ami dévoué, et ne vous posera jamais de questions. Les chats sont différents, mais je ne leur en tiens pas rigueur."

"Lire de bons livres vous empêche d'apprécier les mauvais.
"

 

dimanche 1 septembre 2013

43 - Juste avant le bonheur

Auteur : Agnès Ledig
Éditeur : Albin Michel
Publié en : 2013


Ce roman d'Agnès Ledig a eu beaucoup de succès et m'a été fortement recommandé par mon entourage littéraire. C'est donc en sachant que l'histoire n'est pas forcément gaie et qu'elle déborde d'émotions que je me suis lancée dans Juste avant le bonheur.

Julie a 20 ans, un enfant de 3 ans et un boulot de caissière qui lui bouffe son énergie et son moral. Paul est un homme âgé, aisé, célibataire pour la première fois depuis plus de 30 ans, qui essaie de donner enfin un sens à sa vie, de regarder vers l'avant au lieu de rester fixé sur le passé. Lorsque Paul passe à la caisse tenue par Julie, quelque chose se passe, un je-ne-sais-quoi initié par le destin, qui va lier ces deux âmes pour le reste de leur vie. C'est ainsi que Paul emmène Julie et son fils en vacances en Bretagne, accompagnés de Jérôme, son propre fils, médecin, dont la femme s'est suicidée il y a 3 mois, et qui n'arrive plus lui-même à vivre... 

Mes mouchoirs sont restés dans leur boîte, mais je dois avouer que ce livre est un condensé d'émotions en tous genres, qui nous assaillent du début à la fin. La colère, la tristesse, l'amour, la détresse, la joie... Mais l'émotion la plus présente est bel et bien l'espoir. Car cette histoire ne nous raconte pas seulement la vie de personnes meurtries par la destinée, mais plutôt de personnes qui cherchent à avancer, à aller de l'avant, malgré toutes les épreuves qu'elles ont dû et qu'elles doivent encore affronter. 

Au final, un livre qui fait certes pleurer à l'intérieur, mais qui fait du bien également, car cette belle histoire nous rappelle la valeur de la vie et le plaisir de vivre chaque instant intensément, en appréciant chaque petite chose de notre quotidien pour en faire une vie pleine et heureuse.


"Parfois, dans la vie, on a le sentiment de croiser des gens du même univers que nous…Des extra-humains, différents des autres, qui vivent sur la même longueur d'onde, ou dans la même illusion." 

"Ce n'est pas de géographie dont il est question dans ce voyage. Plutôt des profondeurs humaines et de ses forêts impénétrables."

"- Ce n'est pas la vie qui est belle, c'est nous qui la voyons belle ou moins belle. Ne cherchez pas à vouloir atteindre un bonheur parfait, mais contentez-vous des petites choses de la vie, qui, mises bout à bout, permettent de tenir la distance."

  

vendredi 30 août 2013

42 - La mort du héros

Auteur : Jacques Sadoul
Éditeur : J'ai Lu
Publié en : 1986

La mort du héros est une histoire liée au Cycle de R., mais qui peut se lire indépendamment. C'est d'ailleurs sans aucune connaissance de l’œuvre de Jacques Sadoul que je me suis lancée dans cette lecture.

Nous sommes ici dans un conte fantastique. L'histoire se déroule dans le Monde du Rêve, un endroit imaginé et créé par les cauchemars des adultes et les songes des enfants qui vivent dans la Réalité. Le Monde du Rêve est un endroit certes fort beau et peuplé de créatures légendaires telles les majestueuses licornes, mais il s'agit également d'un lieu on ne peut plus dangereux, surtout à la tombée de la nuit, alors que les créatures nocturnes s'éveillent... C'est dans ce contexte que l'auteur nous offre sa version de la célèbre légende scandinave des Nibelungen. On y retrouve les principaux éléments, à commencer par Sigurd (que nous connaissons mieux sous le nom de Siegfried), le héros, qui réussit à vaincre le dragon Fafnir, à s'emparer du trésor des nains et devient ainsi roi des Nibelungen. Tel Achille, Sigurd, après s'être immergé dans le sang de Fafnir, devient immortel, excepté au milieu du dos, à l'endroit où une feuille était restée collée à sa chair. Nous retrouvons également entre autres Gudrun, que Sigurd délivre de sa captivité et épouse, et Brünhild, la reine des Amazones, qui, par amour, fierté et désespoir, causera la perte du héros.

C'est une version très réussie de cette légende scandinave que nous propose ici Jacques Sadoul. Ce Monde du Rêve est vraiment bien trouvé et très intéressant, ce qui me donne envie de découvrir le Cycle de R. dans lequel il prend place. Outre les divers éléments de l'histoire "originale", on trouve ici des personnages mystérieux, notamment la nymphe Mylène, qui semble tirer toutes les ficelles mais dont on ne connait pas le véritable dessein... La mort du héros se lit très facilement, à la manière d'un conte pour enfants, mais avec suffisamment d'action, de rebondissements et de suspense pour capter l'attention de tous. Une lecture agréable et reposante, à mettre dans les mains de tous les amateurs de mythologie et de fantasy.


"Une femme s'apprivoise ou se mate, comme une jeune pouliche, lui répondit le jeune homme."

"Elle était résolue à ne pas faire preuve de faiblesse et à ne jamais laisser deviner sa tristesse; une reine ne doit pas s'abaisser aux sentiments vulgaires des gens du peuple."

"- Les dieux sont donc mauvais ?
- Ils sont mauvais et, plus ils sont puissants, plus ils sont indiciblement mauvais."

 

mercredi 28 août 2013

41 - Panopticon

Auteur : Nicolas Bouchard
Éditeur : Mnémos
Publié en : 2013

Un jeune homme capable de faire apparaître de monstrueuses créatures mythologiques, un autre capable de discerner la vérité profonde lorsqu'il a les yeux fermés... Une jeune fille masochiste capable de littéralement faire mourir de peur les personnes qu'elle croise, une autre capable de répondre à toutes les questions possibles et imaginables... Un jeune homme encore, se prenant pour le roi, capable de faire exécuter toutes ses volontés d'une seule parole... Dans un XIXe siècle ordinaire, qui sont ces êtres apparemment doués d'aptitudes si extraordinaires, d'où viennent-ils et qui est derrière cet énorme complot visant à créer le chaos en Europe ? Jeremy Bentham, un vieux philosophe retiré du monde, reconnu à travers les pays pour sa sagesse et son savoir, se voit confier la mission de lever le voile sur ces mystérieux événements.

Panopticon. Voilà un livre étrange, aux frontière du scientifique, de la philosophie et du fantastique. Une histoire d'intrigues, de complots, qui sait entretenir l'intérêt du lecteur par un mystère de plus en plus fort. Et pourtant, à la lecture des premières pages, je me suis vraiment demandée dans quelle histoire bizarre, sans queue ni tête, j'avais bien pu encore me plonger. Mais lorsqu'on parvient à enfin entrer dans l'histoire, cette étrangeté nous tient en haleine jusqu'au bout. Le rythme de l'ouvrage est volontairement ralenti, nous laissant, tout comme au vieux philosophe qui nous guide à travers ces mystères, le temps de réfléchir et d'appréhender ce qui se passe dans son ensemble. Et pourtant, à aucun moment je n'ai trouvé l'action trop lente ou inintéressante. Les vies de chacun de ces jeunes gens aux aptitudes particulières nous sont relatées tels des contes plus ou moins merveilleux, et Jeremy Bentham est un personnage intelligent qui parvient à la simple force de son esprit à relier ces histoires et à leur donner un sens.

Un roman que j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir, et qui a très bien réussi à piquer ma curiosité.


"L'âme des êtres humains n'est-elle pas le reflet de ce que les sages du monde ont consigné dans leurs ouvrages ?" 

"Simplement, il me semble préférable qu'un homme vive plutôt qu'il meure. Peut-être parce qu'en périssant, il perd l'occasion de faire le bien." 

"L'espoir est la seule chose qui puisse sauver les hommes du désespoir."
  

mardi 27 août 2013

40 - La poupée

Auteur : Daphné du Maurier
Éditeur : Albin Michel
Publié en : 2013

J'ai découvert et adoré Daphné du Maurier au travers de son célèbre Rebecca, que j'ai lu très jeune. Ce sont ici les prémices de son talent qui nous sont proposés avec ce recueil de nouvelles inédites et oubliées, écrites à l'aube de sa carrière, alors qu'elle avait à peine 20 ans...

Ces quelques nouvelles, retrouvées des années après la publication des grands succès de Daphné du Maurier, nous montrent déjà le génie en herbe qu'était la jeune femme lorsqu'elle les a écrites. On retrouve dès les premières lignes et dans la plupart de ces courtes histoires cette même sensation de malaise, cette atmosphère en suspens, ce sentiment que derrière ce qui n'est pas écrit se cache quelque non dit maléfique, tapi dans l'ombre. Les autres nouvelles sont certes plus sages, mais intéressantes sur le plan humain. On peut dire que l'auteur savait déjà, si jeune, comment faire surgir de ses personnages les travers de l'âme humaine, ses vices, ses rêves brisés et ses désillusions. L'écriture en elle-même est très agréable, frisant parfois la poésie en jouant avec les mots et les métaphores pour rendre compte de la manière la plus belle qui soit de la médiocrité humaine qu'elle nous relate.

Ces nouvelles ne sont pourtant pas toutes du même niveau selon moi, et j'ai trouvé que certaines d'entre elles ne méritaient pas réellement leur place dans ce recueil. Elles font cependant partie d'un tout très agréable, qui se lit facilement, et qui montre bien quel écrivain de génie allait bientôt devenir Daphné du Maurier.


"Elle pria pour que la naissance du jour ne soit pas paisible, comme l’était l’aube d’habitude, mais sauvage ; pour que le soleil brûle les champs et que le vent balaye la mer aux franges d’écume, semant la destruction."

"Alors c’était ça l’âge adulte : un tissu sordide de relations intimes, aussi complexes qu’ignobles. Rien de charmant ni de romantique."

"Tu fais tellement partie de moi que rester seule me laisse muette, sans paroles, sans yeux. Comme un arbre aux branches coupées, comme quelqu’un sans mains. La vie ne vaut rien si je ne peux pas tout en partager avec toi – la beauté, la laideur, la douleur. Il ne doit y avoir aucune ombre entre nous, aucun recoin muet dans nos cœurs."
  
 

vendredi 23 août 2013

39 - Les évaporés

Auteur : Thomas B. Reverdy
Éditeur : Flammarion
Publié en : 2013

C'est un nouveau Masse Critique qui m'a permis de découvrir cet auteur, dont je n'avais jamais entendu parler, et son dernier titre, Les évaporés. Tout d'abord, je tiens à remercier les éditions Flammarion et Babelio, car encore une fois, c'est une très belle découverte que je fais grâce à ces partenariats.

Il est évident que les mœurs japonaises sont très différentes des nôtres, et que des incompréhensions découlent forcément de ces différences. L'une de ces particularités du pays du Soleil Levant, c'est que tout adulte a le droit de disparaître, personne ne le recherchera. On dit qu'il s'est évaporé, tout simplement. La police ne fait rien car une disparition n'est pas un crime. La famille ne fait rien car elle est déshonorée. Ainsi, lorsque Kaze décide de s'évaporer, personne au Japon ne partira à sa recherche. C'est pourquoi sa fille, Yukiko, quitte son pays d'adoption, les États-Unis, et revient dans son pays de naissance afin de faire ce que personne au Japon ne fera jamais : retrouver son père. Elle entraîne dans sa quête Richard B., détective américain avec qui elle a vécu une histoire d'amour. Yukiko et Richard vont donc enquêter au Japon, remonter les pistes qui les mèneront à Kaze et aux raisons qui l'ont poussé à disparaître...

Au travers de cette écriture magnifique, de cette enquête, de cette histoire d'amour, c'est un Japon meurtri, un Japon de misère et de pauvreté, que nous présente Thomas B. Reverdy. Un Japon qui a subit les tremblements de terre, Fukushima, la domination des Yakuzas. Un Japon intransigeant et cruel pour ceux qui essaient de se reconstruire à partir de rien. Loin d'être une enquête palpitante, les recherches que mènent Yukiko et Richard sont plutôt une fenêtre ouverte sur ce Japon d'aujourd'hui, nu, tel qu'il est... Ce pays pourtant magnifique et qui nous fait tellement rêver.

Un roman, qui est loin d'être joyeux, certes, mais qui est très agréable à lire, et surtout qui témoigne de la souffrance de cette société japonaise suite aux tragiques événements que nous lui connaissons.


"Le passé est éternel, c'est le présent qui passe, le présent qui fuit et qui s'efface."

"Quand on n'est pas doué pour le bonheur, quand on ne sait pas retenir les belles choses, il vaudrait mieux s'abstenir de les fréquenter, parce que ça de termine souvent mal."

mercredi 21 août 2013

38 - La nostalgie heureuse

Auteur : Amélie Nothomb
Éditeur : Albin Michel
Publié en : 2013

Je suis encore novice dans la littérature "nothombienne", mais il me semble qu'il y a deux catégories de livres chez cette auteure : ceux dans lesquels elle raconte une histoire totalement loufoque, et ceux dans lesquels elle raconte sa propre histoire (plus ou moins loufoque).

Le Nothomb "cru 2013" fait partie de cette seconde catégorie. Loin du conte revisité de Barbe bleue paru l'année dernière, nous suivons dans ce court (comme toujours) récit le retour aux sources d'Amélie Nothomb. Un retour vers ce Japon de son enfance, 16 ans après l'avoir quitté (suite aux mésaventures relatées dans Stupeur et tremblements). Là je suis touchée en plein cœur, car étant profondément attachée au pays du Soleil Levant, tout ce qui s'y rapporte m'intéresse au plus haut point.

La nostalgie heureuse porte bien son nom, c'est exactement ce qui ressort de toutes ces émotions successives qu'Amélie éprouvera au fur et à mesure de son retour sur les lieux de son enfance, de ses retrouvailles avec sa nounou, avec son ancien fiancé... Une palette d'émotions un peu contradictoires dans un Japon qui s'acharne à ne pas les laisser transparaître, mais qui nous vont droit au cœur car on les vit à travers les yeux d'une Amélie souvent attendrissante et naturelle.

Je crois bien que pour une fois je peux dire sans ambiguïté que j'ai apprécié ce roman d'Amélie Nothomb. Il fait d'ailleurs référence à deux autres de ses succès que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire : Stupeur et tremblements et Ni d’Ève, ni d'Adam. Je vais y remédier dès que possible !


"Si le temps mesure quelque chose chez un être humain, ce sont les blessures. Je pense n'en avoir eu ni plus ni moins que n'importe qui : beaucoup, donc."

"Tout le monde connaît cette expérience cruelle : découvrir que les lieux sacrés de la haute enfance ont été profanés, qu'ils n'ont pas été jugés dignes d'être préservés et que c'est normal, voilà."

"Imaginez une ville qui soit à la fois aussi mystique et sublime que Pagan, aussi riche et bourgeoise que Bordeaux, aussi technologique et chaotique que Seattle : pour autant qu'une telle mixture soit imaginable, c'est ce qui évoque le mieux Kyoto."